«Lors de mon cursus à l’EHL, je ne pensais pas devoir me préoccuper un jour de la quantité de fumier à commander!» Marie Forestier se lance dans un joyeux éclat de rire. Directrice de l’Hôtel Bon Rivage à La Tour-de-Peilz depuis 2013 et membre du comité exécutif d'HotellerieSuisse depuis le 1er janvier, la jeune femme a rapidement été séduite par cet établissement singulier 3 étoiles sup. de 52 chambres, propriété de la congrégation religieuse des sœurs de Saint Joseph d’Annecy.

Un passé riche, une situation de rêve face au lac Léman, avec accès direct au port et à la plage, un restaurant agrémenté d’un jardin de 4000 m2 permettant une «quasi autonomie» en fruits et légumes à la belle saison. Cet établissement familial détonne avec les précédentes expériences de Marie Forestier dans le luxe et l’hôtellerie de chaîne. Elle débute sa carrière chez Raf­fles à Singapour comme responsable des banquets avant de rejoindre Kempinski au Mont-Pèlerin en tant que vice-directrice F&B.

Au Bon Rivage, la Française d’Annemasse et Vaudoise d’adoption se sent comme à la maison. «J’aime la taille de cet hôtel, l’esprit qui y règne. Accueillir des clients réguliers, c'est très enrichissant. Nous ne recherchons pas des standards mais à donner de l’âme à notre accueil. Il est plus facile d’aller au-delà des attentes dans un 3 étoiles que dans un 5 étoiles.»

Une humanité récompensée par un faible taux de rotation
L’établissement veille à une forme d'éthique qui lui plaît. Dans le hall d’entrée, Marie Forestier tient à garder bien visible la charte des sœurs Saint Joseph, propriétaires et exploitantes de l’établissement jusqu’en 1999. «Accueillir l’hôte en ami» et «observer dans toutes nos prestations les valeurs d’honnêteté et de respect» en font partie. Ces valeurs guident le comité de direction dans ses décisions. «Traiter le personnel avec humanité fait partie de la philosophie», relève l’hôtelière. Une attitude qui, à ses yeux, explique le faible taux de rotation et la présence de huit personnes cumulant plus de dix ans de fidélité. Elle cite un autre exemple: «Il n'a jamais été question de passer en 4 étoiles, l'idée étant de rester modestes et accessibles. Pareil lors de la Fête des vignerons. Comme mes confrères hôteliers, nous avons majoré nos prix mais dans une certaine mesure. Il était important pour nous que le client ne se sente pas trompé.»

Marie Forestier intègre ces notions d’éthique à son management tout en insufflant son dynamisme et ses idées. Sensible à la longue histoire de cette maison datant de 1864, elle visite les archives qui la renseignent sur ses différentes affectations: hôtel jusqu’en 1904, école et pensionnat jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, avant de devenir pension et maison de repos. Dans les couloirs, l’hôtelière valorise des photos d’époque. Elle crée de petits salons entre les étages aux noms d'illustres hôtes à l’image de Gustave Courbet.
Sans se qualifier d’hôtel historique, le Bon Rivage reste attaché à son passé tout en vivant avec son temps. Entièrement rénové en 2001 et en 2013, l’hôtel subira encore d’autres modifications au rez-de-chaussée en 2016, peu après l’arrivée de Marie Forestier. «J’ai pu y mettre ma patte, se réjouit l’hôtelière qui explique sa volonté d’une réception ouverte. «Les clients arri­vaient face à un mur, cela ne me plaisait pas. Nous voulions aussi qu’ils puissent voir le lac dès leur arrivée.»

Dans ce lieu qui fait office de petit salon, on mélange les styles ancien et contemporain avec goût. Marie Forestier sillonne les brocantes à la recherche d'un mobilier en adéquation avec l’esprit du lieu. Elle accompagne également la rénovation du restaurant The Garden on the lake ainsi que l’ancienne chapelle, désacralisée. L’hôtelière la transforme en pièce à vivre avec un coin enfants, lecture et des appareils de fitness. Et tient à préserver l’inscription au plafond «Dieu est ma tour et ma forteresse», clin d’œil à la devise de la commune.

Depuis son arrivée, la trentenaire est parvenue à augmenter le tourisme individuel et de loisirs de 20%. «J’ai commencé par réduire notre dépendance à Nestlé», raconte celle qui multiplie les initiatives pour attirer d’autres publics. Les vélos électriques, les paddles et les transats mis à la disposition de sa clientèle de loisirs séduisent aussi sa clientèle d’affaires. Très active localement,    elle coopère avec les prestataires touristiques, organise des dégustations avec des vignerons, une activité très appréciée de petits groupes à l’affût d’une expérience plus que d’un seul lit. Pas pour rien non plus qu’elle a rejoint la catégorie «hôtels séminaires avec source d'inspiration» de Suisse Tourisme.

Motiver les collaborateurs «par l'envie» et rester à l'écoute
Marie Forestier représente cette nouvelle génération de managers qui cherchent à motiver ses collaborateurs «par l’envie», en restant flexibles et à l’écoute. Cette maman d’un garçon de 3 ans a déjà suggéré à un collaborateur confronté à un problème de garde d’emmener son enfant à l’hôtel, le temps de trouver une solution. Mais elle-même n’a jamais envisagé de réduire son temps de travail. «Je travaille du mardi au samedi, mon fils a vite été habitué à venir à l’hôtel.» Dès son congé maternité, elle a appris à délé­guer, à nommer des responsables pour chaque département, à mettre en place des processus. «La question féminine n’est pas mon combat, je privilégie les compétences, indique l’hôtelière. Mais j’estime que la présence de femmes apporte une mixité dans la façon de penser qui ne peut que bénéficier à une entreprise.»  
 
bon-rivage.ch