Isabelle Fernandez amèneun plateau de café, regardeautour d'elle la valse desélèves de l'Ecole hôtelièrede Lausanne qu'elle côtoie, depuisdix ans, en tant que gouvernantegénérale. Elle dit: «Voilà nosétudiants qui sont aussi nosclients. Je trouve primordial quenotre école, aujourd'hui très tournéevers le monde du business,propose toujours ce parcours initiatiqueà travers tous les métiersde l'accueil. Durant les six premiersmois du Bachelor, j'ai d'ailleursentendu un père dire ‹on afailli ne pas reconnaître notre fils›.J'espère que nous les faisons évoluer,je suis sûr que connaître lesbases de nos métiers les enrichit.»

Beaucoup de feeling, de fichiersclients et des procédures
A l'EHL, elle supervise et contrôlela qualité du travail des30 personnes d'une société denettoyage qui travaillent tous lesmatins entre 6 et 8 heures. Dès8 heures, son équipe de cinq personnesprend le relais, prépare lessalles de cours et de séminaires,vide les poubelles, nettoie les30 points de toilettes durant toutela journée, pendant que cinq autrepersonnes s'occupent une foispar semaine des 487 lits du campus.Elle veille aussi sur le travaildes quatre personnes affiliées auxstudios de lingerie, en charge dunappage des restaurants et de tousles uniformes. «Il faut maintenir leniveau de cette extraordinaire petiteéquipe, car entre 2000 et 2500personnes fréquentent ces lieuxtous les jours.»

Lors d'un remplacement,il y a deux ans, elle a encadrédes groupes d'étudiantsdans la formation aux techniquesde nettoyage d'une chambre. Expériencequ'elle compare au travailde gouvernante d'étage. Cemétier dont elle parle avec tendresseet un brin de nostalgie. Ceslongues années à arpenter lescouloirs des plus beaux établissementshôteliers: «Pour exercercette profession, il faut aimer lesgens, les recevoir,les mettre à l'aiseet avant tout faire preuve de discrétion,vous rentrez continuellementdans leur intimité.»

Enengageant une gouvernante d'étage,elle doit sentir un feeling:«Vous savez, nous sommescomme des petites mamans, mettreune goutte dans l'oeil d'unclient ou faire un noeud de cravatene doit pas nous poser de problème.Beaucoup de clients fidèlesdéveloppent une relation exclusiveavec leur gouvernante d'étageet ne veulent en référer qu'àKarine,alors quand Karine a congé,il faut trouver des solutions.»

Evidemment le métier comprendaussi ses «cardex clients d'une ligne,deux lignes, parfois deux pages,si un client n'aime pas lesfleurs blanches, ce sera enregistréune fois pour toutes». Et son lot deprocédures: «Elles sont essentielles,évidemment il en faut, j'ai travailléau Grosvenor House deLondres, 450 chambres, 150 appartements,50 femmes de chambre,vous imaginez cela fonctionnersans procédure?» Mais ellepense que dans certains grandsgroupes hôteliers, «tropde procédures tuent la procédure,il faut savoir doser. Vous savez,une gouvernante générale n'estqu'un petit manager qui ne peutexister sans une super équipe. Jene suis rien toute seule». Un métierqui nécessite de l'anticipationdès les plannings de travail et jusqu'auxchangements permanents.

Elle l'aime pour sa diversité, sonabsence totale d'ennui, sans encacher les difficultés: «Tous lesmétiers liés au housekeeping restenttributaires du taux d'occupationde l'hôtel, il faut savoir travailleravec des extras, développerdes capacités à former les gens.Evidemment, il y a une grandepart de contrôle, mais on ne peutfaire évoluer une femme de chambrequ'en l'écoutant, en adaptantsa façon de parler à sa personnalité.Ici il n'y a pas beaucoup deSuisses qui travaillent à ces posteset en Angleterre, il s'agissait ausside Portugaises, d'Espagnoles, deBrésiliennes, d'Africaines. Mesorigines espagnoles m'aident parfoisà communiquer avec le personnel.On parcourt ensemble deskilomètres et des kilomètres, ilfaut une grande endurancephysique.Pas question qu'il reste unpetit cheveu dans le bain ou unetélécommande sans pile. Noussommes en contact permanantavec la réception qui nous pressecar le client est là, il faut percutervite, développer des astuces.»

Elle s'ennuyait dansl'administration
Isabelle Fernandez s'interrompt,vous regarde, se rappellequ'elle craignait de parler d'elle, sedit que cela fait du bien tout demême et finit par lancer: «Vousdevez me trouver folle d'aimer cemétier! Pourtant je n'y suis pasarrivéepar hasard, je l'ai cherché.A 27 ans, je n'ai pas eu peur de repartirà zéro, de commencer aubas de l'échelle, comme femme dechambre.» Sa carrière professionnelledans des métiers administratifs,notamment comme comptableà la société hôtelière deDivonne, l'ennuyait à mourir. Elledémissionne, se cherche, part apprendrel'anglais six mois, veutouvrir une école de danse en Andalousie,revient comme assistanteadministrative, ne se plaît pas.

Trouve son bonheur au cours hôtelierde Besançon: «Je voulais devenirgouvernante, c'était hyperintense, j'avais l'impression defaire mon armée 80 heures parsemaine, mais j'avais trouvé mavoie.» Comme dans un flash, elleraconte le Savoy et le Barclay àLondres, le Mirador Mont-Pèlerin,le Beau-Rivage de Genève: «Deshôtels à taille humaine, cossusavec du marbre, des objets chromés,des miroirs, des meublesmerveilleux.»

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Ces fonctions dont on parle moins
Le «cahier français» d'hotelrevue propose le dernier voletd'une série présentantdes fonctions de l'industrietouristique dont on parlemoins. Choix subjectifs depersonnalités qui représententla richesse du monde touristiqueen termes de capitalhumain. Kristina Kalz, digital& social media manager àMontreux-Vevey Tourisme;Marc Valentin, voiturier ethomme multifacettes du GrandHôtel du Lac, à Vevey et AkikoMarquis, guide touristique, àPorrentruy, furent au génériquede cette série.