Au début des formations «comment parler à l’IA» que je donne en entreprise, je commence par demander si les participantes et participants ont l’impression de gagner du temps avec l’IA? A chaque fois, la grande majorité me répond que oui. Et je leur dis d’emblée que c’est probablement faux. Quand nous explorons par la suite ensemble les prompts – ces façons de dialoguer avec l’IA – nous réalisons progressivement que ce gain de temps est une illusion.
Il est vrai qu’un simple prompt est rapidement formulé, et le résultat généré peut paraître impressionnant, produit par une machine qui exécute à grande vitesse. Mais déjà le contrôle de ce résultat, pour en vérifier l’exactitude et la pertinence, prend bien plus de temps si on le fait sérieusement. Ce qui m’étonne toujours, c’est que les gens ne pensent pas spontanément au temps qu’ils passent à cette vérification. D’où vient cet «oubli»? Est-ce que cela révèle que beaucoup se fient aux résultats générés sans vraiment les vérifier?
Ce doute me donne des frissons, car cela signifierait que nous accordons notre confiance à un objet. Inimaginable pour celles et ceux qui connaissent les biais et hallucinations dont ces outils souffrent systématiquement. Un sujet responsable ne fait pas confiance à un objet – il en garde le contrôle.
Il serait illusoire de penser que l’IA nous fait véritablement «gagner du temps»
Quand nous progressons dans l’apprentissage du dialogue avec ces objets «intelligents», nous réalisons qu’il faut aussi investir du temps dans cet apprentissage même. Non seulement la familiarisation initiale demande du temps, mais la rapidité de l’évolution des IA nécessite un investissement continu pour se maintenir à jour.
Plus nous avançons ensemble dans la maîtrise de nos dialogues avec l’IA, plus nous devenons efficaces. En un sens, nous récupérons le temps investi dans l’apprentissage. Cependant, même cet éventuel gain de temps mérite d’être réinvesti dans une réflexion critique sur ce que nous produisons avec l’IA. Ne pourrions-nous pas obtenir des résultats encore meilleurs? Sous cet angle, les gains et investissements de temps s’équilibrent, et il serait illusoire de penser que l’IA nous fait véritablement «gagner du temps».
En somme, celles et ceux qui seraient tentés de recourir à l’IA pour gagner du temps ou même pour économiser des postes à la réception, dans le backoffice, dans l’agence de voyage, dans la cuisine ou dans le housekeeping font fausse route: l’intelligence artificielle a besoin de collaborer avec l’intelligence humaine, car seule cette dernière peut s’assurer que le temps investi est bien employé. Les gens intelligents prennent leur temps. Prenez le vôtre pour y penser!
Expert en tourisme, Thomas Steiner est CEO d’Immotour Sàrl, professeur à la HES-SO Valais et membre du comité de Suisse Tourisme.