La neige a commencé à saupoudrer les stations, les réservations affluent et les dernières annonces du Conseil fédéral liées à la situation énergétique sont plutôt rassurantes pour la branche. De leur côté, les hôteliers romands se disent confiants. Ils estiment avoir pris les mesures nécessaires pour économiser l'énergie. Tout en espérant surtout qu'il n'y aura pas de pénurie.
«Nous sommes assez sereins. Cela ne sert à rien d’envisager tous les scenari possibles. En cas de crise, nous réagirons comme il se doit», annonce Pierre-Henri Bovsovers, directeur de l’Hôtel W à Verbier (5 étoiles). Peu d'hôteliers croient à la nécessité de faire un stock de bougies, de lampes torches ou d'eau. A Leysin, Jacky Bonelli, propriétaire de l'Hôtel Le Grand Chalet (3 étoiles), se dit dans l'expectative: «Nous n'avons rien mis en place de spécial, si ce n’est que nous avons renoncé aux éclairages de Noël. En espérant que cela passe ainsi, sinon nous nous adapterons aux directives du Conseil fédéral.» «L'augmentation des coûts, de l'électricité notamment, m'inquiète en ce moment plus que la pénurie énergétique», déclare quant à lui Claude Buchs, directeur du Grand Hôtel Bella Tola à St-Luc (4 étoiles).
Hôtels équipés de chauffage à pellets et panneaux solaires
La plupart des hôtels interrogés peuvent déjà compter sur une infrastructure performante, avec chauffage à pellets pour le W, le Bella Tola et le Chetzeron ou le chauffage à distance pour l'Hôtel Cailler à Charmey. «Notre bâtiment labellisé Minergie bénéfice d'une isolation incroyable, réagit Sami Lamaa, fondateur de l'Hôtel Chetzeron, situé sur les pistes de Crans-Montana à 2112 mètres d'altitude. Son toit est équipé de panneaux solaires. «Déneiger systématiquement les panneaux solaires figure parmi les nouvelles mesures. Cela fait désormais partie du cahier des charges des portiers.»
A Charmey, Stéphane Schlaeppy, directeur de l’Hôtel Cailler et propriétaire des Bains de la Gruyère, reliés à l'hôtel 4 étoiles, annonce avoir investi en 2021 environ 2,5 millions de francs pour assainir l’hôtel: panneaux solaires couvrant 20% de la consommation, isolation, fenêtres triple vitrage, LED. Des panneaux solaires destinés aux bains sont également en train d’être posés et seront fonctionnels dès la mi-décembre.
Difficile de baisser la température des chambres et de l'eau
«Au vu des efforts consentis, nous ne sommes pas très motivés à baisser la température des chambres et de l’eau de nos bassins. Si l’on vend une chambre à 18 degrés, nous recevrons des plaintes. Pareil si l’on baisse d’un degré l’eau de la piscine», expose Stéphane Schlaeppy. Le maintien de la prestation est primordial pour l'hôtelier: «Nous ne voulons pas toucher au modèle économique qui consiste à vendre du rêve et du confort. Mais nous serons solidaires en fonction de la gravité de la situation.»
Ses confrères hôteliers du W, de Chetzeron ou encore du Grand Chalet tiennent des propos similaires: «Le client qui se rend dans un hôtel 5 étoiles paie le prix fort et a donc des attentes élevées», rappelle Pierre-Henri Bovsovers. «Les clients ne comprendraient pas», abonde Sami Lamaa. Claude Buchs a pourtant introduit cette mesure dans son établissement et affirme ne pas avoir reçu de réactions négatives: «Nous sommes passés de 22 à 20 ºC dans les chambres et avons baissé l'eau de la piscine de 32 à 30 ºC. Nous l'avons communiqué à la clientèle. Il est important de sensibiliser», estime l'hôtelier. Les heures d'ouverture du spa ont aussi été réduites.
Stéphane Schlaeppy a quant à lui pris une mesure pour ses bassins: «Nous avons espacé les animations, telles que buses et jets, durant la semaine lorsque la fréquentation est moins forte.» Philippe Zurkirchen, directeur de l'Hôtel Beau-Séjour & Spa à Champéry (3 étoiles sup) vient d'installer une machine permettant d'identifier les animations du spa les plus énergivores.
Sensibiliser le client et former le personnel
Autre idée: laisser le choix au client. «Nous invitons le client à renoncer au nettoyage quotidien de sa chambre et s'il est d'accord, on lui offre une bouteille de vin en contrepartie», explique Philippe Zurkirchen. Son confrère Claude Buchs trouve aussi important d'intégrer le personnel à la réflexion. «Nous réunirons tous les chefs de départements en début de saison afin d'attirer leur attention sur les bons gestes à adopter, pour la cuisine et la lingerie notamment, qui sont de gros consommateurs d'énergie.»
Sami Lamaa a pour sa part introduit deux soirées au feu de bois: raclette et barbecue. «Je travaille à l'éducation de la prise de conscience des équipes. Nous devons rationaliser: ne pas allumer les fours trop tôt, veiller à la consommation d'eau, éviter d'utiliser des linges éponge inutilement pour les massages. Certaines habitudes des collaborateurs doivent être changées.»
[IMG 2] Petit entretien avec Beat Eggel, directeur de l'Association hôtelière du Valais
Les hôteliers valaisans sont-ils prêts à affronter cette saison d'hiver, au vue de la situation énergétique incertaine?
Oui, j'ai l'impression que la situation a été prise au sérieux. Cette problématique couplée à celle de l'augmentation des prix a fait prendre conscience de la nécessité de faire attention aux dépenses énergétiques. Les hôteliers ont fait ce qu'ils pouvaient. Toutefois, ils ne sont pas prêts à mettre en péril la qualité de l'offre proposée. Sauf si cela devient une obligation.
Comment les petits hôtels familiaux, avec des moyens restreints, ont-ils réagi pour faire face à ce nouveau défi?
Il est clair qu'un hôtel garni présente un potentiel d'économies plus faible qu'un hôtel avec restaurant et wellness-spa. A court terme, il est impossible d'entreprendre un assainissement en profondeur. Mais cette situation a déjà constitué une bonne occasion de réfléchir à de petits gestes qui, mis bout à bout, permettent de réaliser d'importantes économies d'énergie et financières. Comme de veiller à éteindre les lumières le soir, de poser des détecteurs de présence, de stopper la ventilation la nuit.
Les dernières annonces du Conseil fédéral (voir ci-dessous)vous rassurent-elles?
Oui, car parmi les paliers qui ont été annoncés, l'hôtellerie ne sera pas la première à devoir s'arrêter de travailler. C'est un message important. Le tourisme a été entendu et considéré comme une industrie à part entière.
Mesures en cas de pénurie d'électricité
Restriction des espaces wellness que dans la troisième phase
En cas de pénurie d'électricité, le tourisme restera longtemps épargné. Dans le projet d'ordonnance soumis à consultation jusqu'au 12 décembre, le Conseil fédéral prévoit notamment les restrictions suivantes, introduites de manière progressive:
● premier palier: économies d’électricité pour la buanderie, la cuisine (frigos, hottes), les salles de séjour. Chauffage limité à 20 ºC pour les pièces communes.
● deuxième palier: mesures du premier palier renforcées: 19 ºC pour les pièces communes, 20 ºC pour les chambres d'hôtel. Température ambiante des piscines limitée à 27 ºC.
● troisième palier: exploitation des espaces wellness limitée à sept heures par jour maximum.
● contingentements: ne con-cernent que les gros consommateurs (plus de 100 MWh par an).
● quatrième palier: interdictions d'exploiter des installations sportives, d'organiser des manifestions culturelles. Peu probable à l'heure actuelle.
● délestage pour quelques heures: en dernier recours.
Lien vers le projet d'ordonnance (liste des restrictions dès la page 4)