Alain Pittet, peut-on dire que le tourisme d'affaires à Genève retrouve enfin le sourire?
2022 a en effet été une année exceptionnelle pour les congrès associatifs nationaux et internationaux sur lesquels travaille le Bureau des congrès. Les salons, les incentives et les événements d'entreprises ne sont pas de notre ressort. Notre bureau a acquis 27 congrès l'an dernier, soit quelque 35 000 participants pour des retombées économiques estimées à 79,5 millions de francs, soit une augmentation de 49% par rapport à 2019.
Expert des congrès internationaux
Alain Pittet a repris la direction du Bureau des congrès de Genève en avril 2022. Il cumule trente ans d'expérience dans le domaine des congrès et salons internationaux. Il était précédemment directeur exécutif d'Ega worldwide congresses & events (2018-2022) et directeur général de Congrex Switzerland, à Bâle (2014-2018). Il a siégé plusieurs années au conseil de l'IAPCO, l'association internationale des organisateurs de congrès professionnels. Il a aussi travaillé durant 16 ans pour le groupe MCH, à Bâle (1993-2009).
Pour combien de nuitées générées?
Les 35 000 participants ont généré environ 60 000 nuitées en 2022. Il s'agit d'une estimation car dès lors que nous avons acquis le congrès, nous bloquons les chambres nécessaires, mais c'est l'association ou son organisateur qui réserve et gère ensuite le nombre définitif de chambres.
Comment expliquer ces résultats? Y a-t-il un effet de rattrapage post-Covid?
Les congrès qui se sont tenus en 2022 ont été acquis en grande partie avant 2020. Nous travaillons extrêmement en amont. Aujourd'hui, nous répondons à des appels d'offres pour 2024, 2025, 2026 et même au-delà. Plus grand est le congrès, plus tôt l'association lance les démarches de sélection. En 2022, nous avons eu la chance d'accueillir un nombre élevé de congrès de taille majeure, dont un de 4000 participants. Les congrès à Genève varient entre 800 et 7000-8000 participants. Au-delà, cela devient difficile en termes de logement.
L'augmentation du parc hôtelier sur Genève doit vous réjouir...
Oui, la hausse de la capacité hôtelière représente un avantage. Car l'acquisition d'un congrès dépend de deux choses: du nombre de chambres et de la capacité du centre de congrès. L'arrivée de nouveaux hôtels 3 et 4 étoiles nous aide beaucoup. Nous ne pouvons pas loger les congrès médicaux – qui représentent 70-80% de notre activité – dans les hôtels 5 étoiles, à cause du pharmakodex, le code de conduite de l’industrie pharmaceutique.
L'année 2023 s'annonce-t-elle aussi réjouissante que 2022?
Nous n'arriverons pas tout à fait aux chiffres de 2019. Les appels d'offres pour 2023 ont été difficiles à recevoir. De nombreux congrès annulés durant le Covid ont été reportés à 2022/2023 au même endroit pour éviter les frais d'annulation en vigueur.
On a beaucoup parlé durant la pandémie de la généralisation des événements hybrides. Qu'en est-il?
Les événements hybrides ne sont pas devenus la nouvelle normalité. Pour plusieurs raisons. Un événement hybride coûte plus cher à organiser et génère moins de profit. Cela dit, les événements hybrides ont permis d'inclure un public, notamment asiatique, privé de voyages en 2022. Ils seront aussi utiles pour des associations qui veulent élargir leur rayonnement géographique. Par ailleurs, l'héritage d'un congrès en présentiel est très important pour la communauté scientifique. Ces échanges débouchent souvent sur des projets internationaux.
Si ce ne sont pas les formats hybrides, quels sont les autres défis qui vous attendent?
Le principal défi se situe au niveau des prix. Nos tarifs en francs suisses, soumis comme partout à l'inflation, restent très élevés par rapport aux budgets des associations européennes ou internationales, établis en euros ou en dollars. Nos prix équivalent à ceux de grandes villes européennes, avec lesquelles Genève ne peut se comparer.
Qui sont donc les rivales de Genève?
Nos concurrents principaux sont des villes comme Hambourg, Rotterdam, Vienne et Bruxelles. En termes de chambres disponibles, citons aussi Glasgow, Cracovie, Belfast, mais Genève reste bien plus chère. En Suisse, Bâle constitue notre premier concurrent.
Sur quels arguments pourrait travailler Genève pour accroître son attractivité?
Genève pourrait compenser ses prix élevés avec plus d'avantages accordés aux organisateurs de congrès. Les autorités soutiennent déjà financièrement la réception de bienvenue et participent à la carte Meet & Taste, des bons-valeurs à faire valoir dans plus de 100 restaurants, mis à disposition de chaque participant. Ces possibilités sont très appréciées mais nous pourrions l’élargir à plus d’organisateurs, avec des montants plus élevés. Nous discutons dans ce sens avec les autorités.
Le salon de l'auto devrait revenir en 2024
Palexpo a accueilli 96 événements et 55 000 personnes l'an dernier. «L’activité 2022 est qualifiée de bonne, même si Palexpo affichera un résultat négatif, bien inférieur à 2020 ou 2021», indique le directeur général Claude Membrez. Et de rappeler que les mois de janvier et de février étaient encore fermés et que seul le salon de l'auto a manqué à l'appel. L'année 2023 devrait marquer le retour à la normalité. «De nombreux nouveaux événements ont choisi Genève et les résultats seront positifs. Manque encore le Geneva International Motor Show qui devrait revenir en 2024», indique Claude Membrez. Il se montre optimiste pour la suite: «Les années suivantes sont déjà bien remplies, l’activité devrait même dépasser 2019. En effet, les événements physiques sont plébiscités.»
De son côté, Genève Tourisme observe une reprise des business events, avec 125 dossiers traités en 2022 (135 en 2019). «A ce chiffre s'ajoutent de nombreuses demandes adressées directement aux hôteliers et aux centres de conférence», précise Genève Tourisme. Depuis octobre 2022, le nombre de demandes serait en constante augmentation, aussi venant des pays d’Asie du Sud-Est. Autre tendance: les organisateurs de business events cherchent de plus en plus à intégrer à leur programme des activités sociales, de loisirs et de groupe.