Ils n’ont pas la folie des grandeurs. Au contraire, ils sont respectueux d’un site alpin authentique, naturel et encore sauvage. Ils ont décidé de s’adapter à la montagne, de suivre les saisons et de s’orienter vers le tourisme de demain, écoresponsable et durable. Les acteurs de la société coopérative Isenau 360° – habitants de la région, résidents secondaires, associations ou gens du tourisme – ont envie de faire vivre autrement ce domaine situé sur la commune d’Ormont-Dessus, aux Diablerets (VD). Pour eux, 360° signifie offrir une vision circulaire, globale et à long terme.
Marche, peau de phoque et raquettes comme alternatives
«L’endroit est facilement enneigé et dispose d’un microclimat. Nous pouvons assurer ne pas avoir recours aux canons à neige», explique Christian Reber, syndic d’Ormont-Dessus.
C’est bien là le propos. Les solutions se dessinent peu à peu et s’inscrivent dans une approche touristique axée sur les quatre saisons. Pas de neige? Une alternative consiste à partir à pied ou à vélo direction la Terrasse d’Isenau, buvette gourmande à vocation locale. Pas de télécabine? Le projet initial inclut sa reconstruction, mais pour prendre en compte tous les scénarios, la société coopérative a même imaginé dans ses plans une variante d’exploitation qui se ferait sans télécabine.
Ormonan d’origine et de cœur, Philippe Gallaz, président de la coopérative, créée fin 2010, précise: «C’est un domaine très ensoleillé qui, été comme hiver, offre de multiples départs de randonnées. Ici, il existe de nombreuses balades interconnectées. Il faut compter une petite heure de marche, à raquettes ou à peaux de phoque, pour rallier le col du Pillon à Isenau en passant par le lac Retaud. Une fois en haut, vous bénéficiez d’une superbe vue sur la vallée.»
Voir loin, c’est tout l’enjeu d’Isenau 360°, qui mise sur la durabilité, l’écoresponsabilité, ainsi qu’un tourisme doux sur quatre saisons. Vaste programme qui a été repensé plus écologique depuis sa conception, mais qui a toujours un certain coût. En dix ans, la fondation est parvenue à réunir 3,75 millions de francs, dont 1,9 million qui provient de dons, 1,5 million garanti par la commune d’Ormont-Dessus, et 350 000 francs des 56 premiers sociétaires. Reste encore pratiquement la même somme pour atteindre les 7,4 millions nécessaires pour obtenir la garantie cantonale. Afin de dynamiser ses fonds, la société coopérative SCOOP a ouvert cette année le capital de la société, chacun pouvant souscrire une ou plusieurs parts de 200 francs.
Nous n'avons pas la volonté de faire monter 4000 personnes à l'heure
Philippe Gallaz, Président de la coopérative Isenau 360°
Le projet de départ visait, en grande partie, à remettre en activité la télécabine construite en 1953, fermée en 2017 à la fin de la concession. Les pylônes ont été démontés et il était question de tout reconstruire. «Il y a eu des oppositions, notamment sur des marais d’importance nationale et cantonale. Nous avons donc proposé un nouveau plan d’affectation du sol, redimensionné face à la réalité climatique», précise le syndic Christian Reber.
«Nous sommes dans un projet durable et nous n’avons pas la volonté de faire monter 4000 personnes à l’heure, sourit Philippe Gallaz. Si nous pouvons offrir un moyen de transport à ceux qui n’ont pas forcément la condition physique pour atteindre Isenau à pied, ce serait un plus. La télécabine n’est pas la proposition de valeur unique, on peut tout à fait imaginer que, si l’on ne parvient pas à la reconstruire, le domaine vivra par lui-même.»
Dates clés
2013 Création de la fondation de défense des intérêts d’Isenau.
2017 Arrêt définitif de la télécabine, en fin de concession.
2018 Naissance d’Isenau 360° et réorientation du projet alors basé sur le ski vers un tourisme 4 saisons.
2020 Création de la société coopérative.
2021-2022 Achat du restaurant La Terrasse ainsi que des deux gares de départ et d’arrivée de la télécabine.
2023 Afin d’augmenter ses fonds propres en vue des projets pour Isenau, la société ouvre son capital à de nouveaux coopérateurs.
Favoriser l'économie circulaire, valoriser les produits locaux
Ainsi, l’endroit se fait une fierté de devenir un laboratoire du tourisme doux dans un souci d’écoresponsabilité et d’authenticité. Dans sa charte, il est notifié que le développement du tourisme sur ce site doit permettre de préserver le capital naturel et culturel, en incluant les régions protégées du domaine. Créer un ensemble, des connexions, voici ce qui ressort du projet. «La durabilité est également financière et économique car elle fait vivre des gens à travers le tourisme, souligne Philippe Gallaz, et elle participe à l’utilisation des ressources locales et à la valorisation des produits régionaux.»
Pour exemple, la Terrasse d’Isenau, premier projet concret de la coopérative après l’acquisition des biens. Il s’agit d’une buvette restaurant ouverte, pour l’instant, l’été. Un endroit idyllique accessible uniquement à pied ou à vélo. La Terrasse fonctionne avec des produits de la région inclus dans un périmètre de 30 kilomètres: fromage d’alpage, viande du boucher de la vallée, les légumes de la plaine du Rhône, sirops des artisans locaux.
Dans le même esprit de cette économie circulaire, l’idée est de guider les promeneurs vers des lieux de production, les quatre exploitations agricoles et les seize chalets en activité de la région d’Isenau/Les Diablerets. Visiter les fermes, discuter, goûter aux spécialités afin de mieux connaître les acteurs locaux.
«Aujourd’hui, nous avons posé la première pierre de notre offre quatre saisons, conclut Philippe Gallaz. Prochains objectifs: étendre les itinéraires de randonnées, développer des projets éducatifs en lien avec tout ce qui est écodurabilité, mettre sur pied un parc multiactivités. En résumé, monter en puissance dans l’exploitation du domaine et développer l’offre d’activités 4 saisons, tout en préparant la mise en place du projet complet.» Le petit domaine d’Isenau offre ainsi une grande réflexion sur le tourisme de demain.
Laboratoire touristique
Avec le réchauffement climatique, le tourisme de montagne doit se réorienter. Isenau 360° l’a bien compris avec ses quatre notions de base: communauté, durabilité, 4 saisons et innovation. «Dans le cadre d’un laboratoire de tourisme, nous avons déposé un projet au niveau de la Cipra, un organisme fédéral qui promeut le tourisme de montagne durable, explique Philippe Gallaz. Nous avons obtenu deux récompenses pour l’EcoTourist app – Isenau 360: une application qui permet de se géolocaliser sur le domaine, d'accéder aux balades, d'indiquer des endroits plus dangereux et les bonnes pratiques à adopter. Loin de s’arrêter en si bon chemin, Isenau 360° a également lancé des projets de recherche écoresponsable avec les hautes écoles, l’EPFL, l’UNIL, ainsi que l’association Moving Mountains.