Egidio Marcato, vous êtes la cheville ouvrière de l'obtention par Montreux des WorldSkills pour les réceptionnistes d'hôtel qui se dérouleront du 6 au 9 octobre… Comment les avez-vous obtenus?
Ces WorldSkills pour toutes les disciplines devaient se dérouler à Shanghai en 2021, puis en 2022, à chaque fois la situation pandémique ne permettait pas leur organisation. En tant qu'expert suisse, je me sentais frustré, je ne voulais pas laisser tomber deux ans de travail. Une des solutions auxquelles nous avons pensé était de pouvoir décentraliser les événements selon les métiers. En Suisse romande, nos compétences dans le domaine de l'accueil sont énormes. J'ai sondé le Beau-Rivage Palace, à Lausanne, qui ne pouvait pas se libérer en octobre. Finalement le Casino Barrière me donne le feu vert, je m'en réjouis. Mais le 20 juin c'est la douche froide: j'apprends que Bordeaux tient la corde. Mais ma ténacité me permet de continuer à défendre le dossier de Montreux et finalement, le 24 juin, je pouvais sabrer le champagne. 

Depuis quand les réceptionnistes participent-ils au WorldSkills? 
Les WorldSkills existent depuis 70 ans, mais dans l'hôtellerie cela ne touchait que la cuisine et le service. Il a fallu attendre 2019 à Kazan, en Russie pour que nos métiers d'accueil rentrent dans le concours à titre de démonstration. Donc Montreux deviendra la première officielle avec 16 candidats de 16 pays différents. 

On connaissait déjà le concours de l'AICR du meilleur réceptionniste du monde, en quoi les WorldSkills se distinguent-ils? 
On peut trouver des points communs notamment dans le fait que le concours s'adresse avant tout à des jeunes travaillant dans le luxe, essentiellement des cinq étoiles. Mais le niveau s'intensifie, car il ne s'agit plus d'un seul jeu de rôle pendant une journée, mais bien de 32 jeux de rôle en quatre jours. Ou l'on évoque le front office, le back office, mais aussi le calcul de revenu des chambres et les réponses aux commentaires sur certaines plateformes par exemple. 

Certains pays dominent-ils déjà ce concours? Pourquoi? 
A Kazan, les Russes semblaient formatés pour gagner alors qu'on n'associe pas forcément les compétences d'accueil à ce pays. Leur préparation leur permettait de ne jamais douter et d'agir machinalement. Avec les Autrichiens, on sentait que cela venait plus de leur âme, de leur envie d'accueillir. Cette année les Français proposeront des candidats de haut niveau. 

Peut-on trouver un langage commun pour tous les candidats des WorldSkills en réception?
Nous travaillons à l'écriture d'un manuel avec Corinne Bellaby qui joue souvent le rôle de la cliente pinailleuse durant nos jeux de rôle au niveau mondial. Il s'agit pour nous d'unifier les besoins et les exigences pour tous les candidats. 

Que travaillez-vous particulièrement lors des entraînements avec votre candidat Tim Oberli? 
J'aime beaucoup son écoute et la façon dont il met les idées en pratique. Il travaille à la réception du Bürgenstock Resort, donc il s'entraîne tous les jours dans un palace avec des infrastructures de qualité. Nous travaillons avec lui spécifiquement quatre jours par mois, notamment sur son niveau d'anglais à l'oral et à l'écrit avec une de mes ex-collègues anglophones. 

Faut-il être comédien pour bien recevoir ses hôtes? 
Tim faisait du théâtre plus jeune, il sait jouer un rôle, sans tricher. Derrière son comptoir, on ne doit pas apparaître distant ou réservé, il faut montrer de l'aisance.

Pourquoi ces WorldSkills vous semblent-ils une vitrine impor­tante pour le métier? 
On ne sait pas assez vendre notre métier, on parle toujours des horaires, des salaires. Mais on ne doit pas oublier sa noblesse, les gens formidables qu'il nous permet de rencontrer. Pour moi, le travail de réceptionniste durant 22 ans s'est apparenté à un paradis sur terre. Pendant les WorldSkills, nos réceptionnistes peuvent montrer comment ils travaillent sur mesure. Ce sera l'occasion aussi de sensibiliser d'éventuels candidats romands, car jusqu'à maintenant nos candidats sont tous Alémaniques. Les chefs savent se présenter comme des artistes. L'empathie qu'apprend un réceptionniste reste un atout unique qui peut aussi se valoriser dans le monde de l'horlogerie, de la banque, de l'assurance, de la mode. Cette formation ouvre de nombreux horizons.

Vous aimeriez créer un centre de l'accueil en Suisse romande. Pour quelles raisons? 
On me répond qu'il existe déjà un CFC de spécialiste en communication hôtelière qui fonctionne très bien, notamment en Suisse alémanique. Mais dans mon centre de formation je voudrais davantage baser l'enseignement sur les soft skills. Je pense que l'enseignement devrait se faire avant tout en anglais pour l'ouverture de nos métiers à l'international. A 62 ans, je peux préparer la relève avec la participation de mes anciens champions pendant les concours. 

De façon ironique, on pourrait dire que vous êtes plus demandé en Chine qu'en Suisse… 
Pour préparer la compétition de Shanghai, je collaborais en ligne cinq jours par semaine de 8 heures à midi sur les questions de service au client et du vocabulaire de l'hospitalité avec des jeunes Chinois, pendant six mois. Mais évidemment je ne coachais pas la championne chinoise. 

Que pensez-vous de l'arrivée de la numérisation dans le monde des réceptionnistes? 
Cela peut rendre service surtout pour les clients business en termes d'efficacité et de rapidité. Mais pour la clientèle loisirs qui dispose de temps et de moyens, il faut surtout continuer à mettre l'humain au centre, tisser des liens, cultiver l'échange, parler de nos différences. Tout commence lors de la prise de réservation où l'on peut prévenir d'éventuelles réclamations. 

D'ailleurs, pourquoi n'aimez-vous pas trop l'appellation de réceptionniste? 
On devrait pouvoir mettre en avant la notion d'expert en accueil, pour que l'on voie et comprenne l'empathie et le sourire dans l'ensemble de cette fonction.

Parcours
De l'enseignement au coaching

Egidio Marcato a enseigné pendant plus de 18 ans à l'Ecole hôtelière de Glion, notamment dans les domaines de l'entreprenariat, de la comptabilité et de la finance. Il coache le candidat suisse aux SwissSkills et aux WorldSkills de la réception depuis plus de trois ans. Il a fondé et dirige Swiss Hospitality Guild, une société de conseils dans le domaine de l'accueil. Il a travaillé comme responsable de réception à l'Hôtel Splendide Royal de Lugano et au Grand Hyatt Cannes Hôtel Martinez.  
Les WorldSkills de la réception se dérouleront au Casino Barrière de Montreux du 6 au 9 octobre. Hotellerie­Suisse sera présente sur place avec un stand pour présenter le métier de spécialiste en communication. aca