Pour la 7e année, Morat a revêtu ses habits de lumière et draine les foules durant dix jours à la nuit tombée. Le Festival des Lumières qui se termine dimanche est devenu essentiel pour la destination fribourgeoise, en quête de diversification. Preuve de son dynamisme, Morat vient aussi d'être distingué par l'Organisation mondiale du tourisme «Meilleur village touristique du monde», parmi 32 lieux de 18 pays, dont Andermatt. Stéphane Moret, directeur de Région Lac de Morat, explique comment pérenniser ces succès sans dénaturer l'esprit des lieux, chers aux habitants.
Stéphane Moret, vous avez fait le pari de maintenir votre manifestation lumineuse malgré le risque de pénurie énergétique. Comment cette décision a-t-elle été accueillie?
Ce fut tout un processus, guidé par la volonté d'agir juste. Avec le recul, on peut dire que cela a été positif. Nous savions que notre décision aurait des conséquences pour tous nos stakeholders, à l'image de notre partenaire principal, le fournisseur d'électricité IB-Murten. Nous avons été animés par l'envie de préserver l'écosystème qui gravite autour du festival, que ce soit artistique ou économique. Nous avons rapidement senti le soutien de la commune et du canton face à notre volonté de maintenir l'événement.
Votre décision n'a cependant pas plu à tout le monde. N'avez-vous pas redouté un dégât d'image ou un boycott?
Nous avons effectivement reçu des commentaires parfois violents sur les réseaux sociaux. Des critiques que nous ressentons beaucoup moins aujourd'hui. Le fait aussi qu'aucun sponsor ne se soit retiré était rassurant. Nous avons beaucoup communiqué sur l'intérêt culturel et économique de maintenir l'événement et sur les mesures entreprises pour économiser l'énergie.
Renoncer à l'événement risquait-il d'en compromettre sa survie?
Sincèrement oui. Financièrement parlant, nous sommes encore des adolescents. Malgré le succès en termes de visiteurs et l'introduction d'un système de billetterie, nous n'avons pas pu accumuler de réserves financières. Annuler un événement a bien d'autres conséquences que de l'adapter.
Vous avez annoncé économiser 40% d'énergie par rapport aux éditions avant Covid. Comment évaluez-vous l'impact sur la qualité du festival?
Outre la restriction des horaires en semaine, nous avons diminué d'un tiers le nombre de projecteurs et demandé aux artistes de restreindre la portée des émissions lumineuses. Ces choix artistiques rendent l'ensemble plus subtil, peut-être même plus captivant. Il s'agit d'une évolution intéressante dans le parcours du festival. Jusqu'ici, nous avions souvent peur de ne pas en faire assez.
Quelle est votre vision pour l'avenir du festival? Peut-il, veut-il encore grandir?
Nous n'atteindrons volontairement plus les 90 000 visiteurs d'avant-Covid. Nous nous limitons à 10'000-12'000 visiteurs par soir, afin d'assurer le confort de la visite et préserver la qualité de vie des habitants. Cette année, nous pensons attirer entre 50'000 à 60'000 visiteurs.
En été aussi, Morat doit parfois faire face à un afflux massif de visiteurs. Peut-on parler d'«overtourisme»?
Je n'aime pas du tout ce terme. Mais il est vrai que nous sommes parfois victimes de notre succès et que nous arrivons bientôt à des seuils de saturation. Raison pour laquelle nous ne développons plus de projets en été depuis plusieurs années, mais travaillons uniquement sur l'offre hivernale. En marge du Festival des Lumières, nous avons créé le Murten Licht Lab qui consiste à développer d'autres projets sur le thème de la lumière en hiver. En été, nous travaillons à étendre la zone touristique pour désengorger les centres. En valorisant par exemple nos producteurs de légumes bio.
«Nous ne développons plus de projets en été et nous focalisons sur l'hiver»
Stéphane Moret, directeur de Région Lac de Morat
Le fait que vous veniez de remporter le titre de «Meilleur village touristique du monde» décerné par l'Organisation mondiale du tourisme n'est donc pas forcément une bonne nouvelle?
Nous avons effectivement entendu des voix craignant que ce prix n'attire encore plus de monde à Morat. Cependant, nous n'avons pas posé notre candidature dans le but d'accroître la fréquentation. Notre stratégie de promotion a évolué: nous travaillons exclusivement sur l'image qualitative de la destination et non pour drainer plus de monde.
Vous n'allez donc pas exploiter ce prix?
Nous l'exploiterons avant tout à l'interne. Il est pour nous surtout une reconnaissance du travail accompli ces dernières années pour renforcer la mise en réseau, intégrer les divers partenaires et faire en sorte que l'économie régionale profite de l'activité touristique. Cela dit, le rayonnement extrême de ce prix nous a impressionnés.
Avec ce prix international, vous attendez-vous à un afflux de visiteurs étrangers?
Morat draine un public à 90% suisse. Je ne crois pas que ce prix changera radicalement la donne. Je pense plutôt que nous en profiterons de manière plus diffuse et durable sur les 2 ou 3 prochaines années. Car l'intérêt émane avant tout de la presse spécialisée. Il nous permettra peut-être de rejoindre certains circuits touristiques et de profiter d'effets multiplicateurs.
Morat a fait sien le slogan «klein aber fein». Comment veillez-vous dès lors à garder cet équilibre entre développement touristique et maintien de la qualité de vie?
Nous faisons en sorte de travailler de manière intégrée, avec la commune et la population. Cela fait partie de notre réflexion stratégique de durabilité sur le long terme. (Re)connecter le tourisme à la population fait entre autres partie de nos priorités. Cela passe par l'organisation de sondages, de «Stammtische» ou encore de journées du tourisme afin de permettre la découverte des perles de la région. Il est important d'associer encore davantage les habitants à notre réflexion touristique.