Une vidéo promotionnelle montrant beaucoup de visages épanouis, mais aucun touriste. C’est la manière qu’a choisie l’organe de promotion Only Lyon pour séduire non seulement les voyageurs, mais surtout les Lyonnais. «Le touriste est mort, provoque François Gaillard, directeur d'Only Lyon. Plus personne ne veut être traité comme un touriste. Nous nous sommes rendu compte que nos hôtes fuyaient les publications touristiques pour privilégier les bons plans des locaux. Notre marketing se dirige désormais à 100% vers les Lyonnais.»
Miser sur le tourisme local en réponse à la crise et au changement climatique. Cette vision se dessinait assez clairement chez les experts et professionnels réunis à l'occasion du Montreux International Tourism Forum (MITF). Lors de cette seconde édition placée sous le thème «Confiance et relance», plusieurs initiatives ont confirmé la volonté de se concentrer avant tout sur un marché de proximité et de qualité.
Encourager la population à partir en vacances proche de chez eux
«Nous ne parlons pas de décélaration mais de croissance durable. Dans ce cadre-là, le tourisme de proximité doit être encouragé», estime Lionel Flasseur, directeur de la destination Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme. Partant du constat que 26% de sa clientèle provenait de la région, la destination a lancé à la mi-octobre une nouvelle plateforme et application baptisée «Partir ici». Elle est dédiée avant tout aux habitants de la région. «Le but étant de les informer et de les encourager à rester chez eux. La géolocalisation permet de les inspirer dans un rayon de 20 kilomètres par exemple», explique le directeur.
La plateforme recense plus de 2000 activités, qui racontent chacune une histoire et vise à «recréer du lien avec les personnes qui font vivre le territoire». Elle est également alimentée par une communauté de 80 «éclaireurs» ou microblogueurs qui partagent leurs bons plans. «Nous plaidons pour un tourisme durable que nous préférons nommer ‹bienveillant›, car il consiste à remettre l'humain au centre», poursuit Lionel Flasseur.
La Valaisanne Morgane Pfefferlé, CIO et cofondatrice de Travelise.ch, démontre à son tour le potentiel du tourisme à domicile. Créée il y a 5 ans, son entreprise a bâti son succès sur le voyage surprise. A l'origine très tournée vers l'international, elle a réussi, grâce au Covid, à se faire une place dans des contrées plus proches, avec le Valais Tour et le Fribourg Tour. L'entreprise prévoit d'en faire de même avec les destinations des cantons de Vaud, de Genève et du Tessin et de la région Jura Trois-Lacs d'ici à 2023. «Jusqu'à fin 2019, la demande pour des voyages en Suisse ne décollait pas, confie Morgane Pfefferlé. Nous utilisons le concept de la surprise pour favoriser le tourisme durable, de proximité et faire découvrir des lieux et adresses plus insolites.» Selon elle, il est possible de garder intact le sentiment de voyage, même en restant proche de chez soi. «L'expérience humaine permet de garder l'émotion intacte», relève la CIO. «Le rapport à l'habitant constitue le premier critère de la réussite d'un voyage», renchérit Lionel Flasseur.
Un tourisme «accepté et acceptable» pour la population
Plusieurs intervenants ont affirmé vouloir développer la qualité de leur tourisme, plutôt que la quantité. «Nous voulons nous satisfaire de ce que nous avons, ce qui ne signifie pas que nous n'avons pas d'ambitions», estime François Gaillard. Le directeur vise un tourisme plus inclusif, tout en continuant «à accueillir le monde» à Lyon. «Un tourisme durable signifie qu'il doit être accepté et acceptable pour la population. Nous ne devons plus opposer les publics et les pratiques.» Le site et magazine «A la lyonnaise» met en lumière un art de vivre à la lyonnaise. «On ne sait pas que c'est la destination qui édite ce contenu. Ceci permet d'accroître notre crédibilité et légitimité.»
«Nous voulons nous satisfaire de ce que nous avons, ce qui ne signifie pas que nous n'avons pas d'ambitions»
François Gaillard, directeur d'Only Lyon
Cette démarche semble inspirer Adrien Genier, directeur de Genève Tourisme. La destination a lancé cet été le concept de «The Resort City» visant à dynamiser le tourisme de loisirs, notamment auprès d'un public genevois et romand. Ce projet présente 100 activités et fédère 150 partenaires. «Lorsque je vois que Lyon peut compter sur 26 000 ambassadeurs, je dis bravo! La prochaine étape pour Genève consiste à impliquer les citoyens. Le but étant de créer une vraie dynamique de destination et que tout ne repose pas uniquement sur les prestataires touristiques.»
Marcel Perren, directeur de Lucerne Tourisme, relève à son tour vouloir «travailler avec la ville à un meilleur équilibre, en impliquant notamment les habitants». Il rappelle que la Schwanenplatz accueillait avant la crise 7 millions de visiteurs journaliers par an. Avec le Covid, la part des nuitées générées par la clientèle suisse en ville de Lucerne est passée de 23% en 2019 à 60% en 2020, preuve qu'une meilleure mixité des marchés est possible.
«Le tourisme de masse ne reviendra pas, car plus personne ne le veut. L'avenir est à un tourisme de qualité, plus personnalisé, qui peut aller de pair avec une hausse des prix», estime Jürg Schmid, président de Graubünden Ferien. Il relève la mégatendance de l'écotourisme et la recherche d'un tourisme «de résonance». «La question de savoir où et comment on voyage devient centrale. Le touriste recherche des expériences personnelles. Des expériences qui permettent de façonner des souvenirs et donc de fidéliser sa clientèle.»