Entrepreneur et mécène culturel, à Martigny, Léonard Gianadda vient de disparaitre dimanche matin à l'âge de 88 ans. Rendons lui hommage. Il pouvait paraître indomptable, mais devenait très vite drôle et attachant. En 2015, il recevait le Milestone pour l'œuvre d'une vie. Le jury du Milestone voyait alors dans la Fondation Pierre Gianadda un «phare touristique qui rayonne par-delà les frontières régionales».
Les personnes présentes ce soir-là se rappellent de l’émotion du colosse, de ses larmes sur la scène du prix suisse du tourisme. A cette occasion Fabian Claivaz, directeur de l’Office du tourisme nous confiait le privilège de pouvoir travailler pour une destination comprenant un tel aimant culturel et touristique, unique dans la plaine valaisanne.
«Le premier point des statuts de notre fondation précisait que nous voulions contribuer à l’essor culturel et touristique de Martigny», racontait l’entrepreneur immobilier, passionné de peinture et de musique. Plus anecdotique, mais essentiel, il rencontre son épouse Annette en 1957, à la réception de l'Office du tourisme de Lausanne, où il venait déposer ses portraits de Georges Simenon dans la ville, reportage qu'il avait obtenu audacieusement sur un simple coup de téléphone au Lausanne Palace. La principale valeur que doit défendre le monde du tourisme est l’accueil, Léonard Gianadda le répètait volontiers, avant de nuancer avec lucidité et humour: «Même si à titre personnel, je ne suis pas toujours un exemple.» Par contre il se réjouissait que son fidèle personnel propose toujours l’alternative du verre de robinet à l’eau minérale, se félicite d’installer des panneaux qui invitent les visiteurs à marcher sur les pelouses, aiment que les gens s’assoupissent sur les bancs dans cet invraisemblable parc de sculptures: son talisman.
Léonard Gianadda a exercé plusieurs métiers dans son existence mouvementée: ingénieur, journaliste, artiste et mécène très respecté et estimé au plan international. En 1976, il fonde, en souvenir de son frère Pierre disparu accidentellement, la Fondation Pierre Gianadda à Martigny. Inaugurée en 1978, elle attire tous les ans, avec ses trois expositions permanentes et ses expositions temporaires d’exception, des milliers de passionnés d’art à Martigny. Lors de notre rencontre en 2015, il racontait ainsi les années ou le commissaire de police faisait du zèle et où la Fondation payait les amendes: «On ne peut pas laisser nos visiteurs sur ce souvenir-là.» Surtout dans un lieu qui comprend un musée de l’automobile. Et nous on le percevait ainsi: à la Fondation, il surveille tout, s'il voit un papier traîner depuis la galerie, il ordonne qu'on le ramasse. Le grand voyageur et photographe ouvert à tous les vents dans sa jeunesse, dont cet épique tour de la Méditerranée en voiture avec son frère Pierre, chérit aussi la rigueur et la propreté helvétique.
Au niveau artistique, il laissera de nombreuses traces avec ses expositions Giacometti, Schiele, Lautrec, Modigliani, Claudel, Manet, Miró, Gauguin, Van Gogh. Et chacun des visiteurs garde une émotion particulière. Les nôtres ne peuvent se dissocier de la beauté de l’exposition consacrée à Balthus ou de la force de la chapelle de Marc Chagall dans le jardin devenu un pélerinage nécessaire en redescendant d'une station de ski.