Retour à la vie normale, avec les séquelles de la pandémie. A l'image d'autres acteurs touristiques, le Chaplin's World savoure chaque signal positif de reprise. «Depuis un peu plus d'un mois, les demandes de privatisation du domaine repartent doucement à la hausse, tout comme les contacts avec les tour-opérateurs», indique Béatrice de Reyniès, directrice générale de Chaplin's World, à Corsier-sur-Vevey.
Arrivée à la tête de l'institution en mai 2019, elle confirme avoir été «coupée net dans son élan» avec l'arrivée du Covid. «Nous avions une stratégie de relance pour notamment renforcer notre activité sur les marchés asiatiques et développer l'événementiel. Nous avons désormais trois ans de retard sur notre business plan. Car nous ne retrouverons pas immédiatement notre niveau d'avant-Covid.»
Avant la pandémie, en 2019, l'espace muséal avait accueilli 240'000 visiteurs payants. Trois ans auparavant, lors de son ouverture, le musée avait dépassé les attentes en drainant 300'000 visiteurs. «C'est ce qu'on nomme le tassement plateau, un phénomène que connaissent les musées dès leur troisième année d'existence», indique Béatrice de Reyniès, qui avait justement pour mission de redresser la barre et de stabiliser le nombre de visiteurs.
Un problème conjoncturel et non structurel
Ce tassement de la fréquentation antérieure à la pandémie a récemment été pointé du doigt par le journal «24 heures». Le quotidien révélait également que le propriétaire du Chaplin's World n'avait pas payé l'amortissement du prêt cantonal (10 millions de francs) entre 2019 et 2021. Ces informations ont inquiété et questionné sur la santé de l'institution vaudoise.
Tant du côté de l'exploitant (By Grévin SA) que du propriétaire (domaine du Manoir de Ban SA), on se veut rassurant: «La situation avant Covid n'était pas du tout catastrophique, et le Chaplin's World n'est pas en péril», indique Philippe Meylan, membre du conseil d'administration du domaine du Manoir de Ban SA. Pour lui, il s'agit d'un problème conjoncturel et non structurel. Il explique: «Nous étions sur le point de payer l'amortissement de 2019 lorsque le Covid est arrivé. Le canton nous a proposé de suspendre les amortissements jusqu'à nouvel ordre.» Selon Béatrice de Reyniès, ce problème n'aurait aucun lien avec l'exploitation ni d'incidence sur celle-ci.
L'exploitant et le propriétaire ne cachent cependant pas que le Covid leur a coupé les ailes. Pour être rentable, le musée devrait accueillir 280'000 visiteurs par an. Bien loin des 120'000 personnes reçues durant les deux ans de pandémie. «Le site est actuellement déficitaire. Il a besoin de retrouver des conditions d'exploitation normales et d'ici là, d'être soutenu par des aides», estime Philippe Meylan. Malgré cette situation difficile, tant le propriétaire que l'exploitant tiennent à souligner avoir toujours payé leurs fournisseurs et prestataires de services. «Nous restons confiants pour la suite et espérons que cela va redémarrer», relève la directrice.
Au moins 50% de visiteurs étrangers nécessaires à la stabilité
Christoph Sturny, directeur de Montreux Riviera Tourisme, ne doute pas de l'avenir du site et confirme son importance: «Le Chaplin’s World demeure un aimant touristique, très apprécié et très bien positionné dans les ratings.» Philippe Meylan partage ce point de vue, tout en s'interrogeant sur l'après-Covid: «Que va-t-il se passer avec les flux touristiques et les touristes étrangers?» Il ne remet pas en cause le travail de l'exploitant ni le business model: «Le musée a le potentiel d'attirer des gens du monde entier, à condition que les marchés soient ouverts et les tour-opérateurs actifs.»
Car c'est bien au niveau international que se situe l'enjeu aujourd'hui. Christoph Sturny confirme la nécessité de recourir aux marchés étrangers, «qui se travaillent en amont» pour renouveler le bassin de visiteurs. Béatrice de Reyniès estime qu'une stabilité serait atteinte avec 50% de visiteurs étrangers. «En 2019, je visais cet objectif à dix ans...» Béatrice de Reyniès estime que Chaplin's World a toutefois les capacités de maintenir à 50% la part de clients suisses. Optimiste, elle se réjouit du retour des expositions, des événements, des projections et des rendez-vous musicaux. Autant d'atouts qui devront lui permettre d'honorer le triple statut du musée: un site culturel, un lieu familial et une attraction touristique.
Chillon et Maison Cailler prennent leur mal en patience
Un véritable retour à la normal nécessitera encore deux, trois voire quatre ans pour le château de Chillon et la Maison Cailler. Car les deux sites touristiques dépendent étroitement de la clientèle étrangère, de l'ordre de 75% pour Chillon et de 50% pour la Maison Cailler, hors Covid.
Ces prévisions ne les empêchent pas de ressentir les effets positifs de la reprise. Le château de Chillon a par exemple pu réengager sept nouvelles personnes en janvier 2022. «En contrat de durée déterminée, la situation étant encore très compliquée», précise sa directrice Marta Sofia dos Santos, qui espère accueillir plus de 230'000 visiteurs en 2022. Fleur Helmig évoque «une forte reprise en début d’année», et s'attend à une hausse de fréquentation d’environ 20% en 2022. Rappelons que ces deux lieux drainaient plus de 400'000 personnes avant la pandémie.
La crise a également mis leurs finances à rude épreuve: «La fondation a clôturé les années 2020 et 2021 avec des pertes importantes, indique Marta Sofia dos Santos. Toutefois, les aides Covid pour les événements culturels annulés et surtout le soutien financier pour les cas de rigueur, nous ont permis d’équilibrer les comptes.» La fondation ne prévoit pas de faire appel à des aides Covid pour 2022 mais n'exclut pas de recourir «plus régulièrement aux aides cantonales et au mécénat privé pour les projets culturels et pédagogiques.» La Maison Cailler affirme n'avoir jamais sollicité ces aides. «Nestlé Suisse a apporté le soutien financier nécessaire pour traverser cette période difficile», explique Fleur Helmig. lg