Aujourd'hui, l'accent est mis de plus en plus sur le besoin urgent de changer et de modifier nos cadres organisationnels. Alors que dans le passé, nous construisions des organisations autour de l'efficacité des tâches, nous avons aujourd'hui besoin d'organisations qui sont construites autour de la libération du potentiel humain de leurs employés. Le secteur de l'hospitalité, qui dépend fondamentalement des interactions humaines, se trouve à un moment décisif, nécessitant une réévaluation radicale de ses paradigmes managériaux. L'adoption d'une approche managériale centrée sur l'humain apparaît comme une nécessité indiscutable.
Alors que nous avançons dans les premières décennies du 21e siècle, les entités organisationnelles dans divers domaines font face à une myriade de défis complexes, notamment une volatilité économique accrue, des progrès technologiques fulgurants et des fluctuations sociopolitiques. La flexibilité et la décentralisation de l'organisation sont les meilleurs moyens de faire face aux turbulences de l'environnement. Néanmoins, de nombreuses organisations ont souvent opté pour l'inverse et mis en œuvre des programmes de stabilisation caractérisés par la centralisation, la réduction des effectifs et l'accent mis sur l'efficacité opérationnelle. Ces mesures, bien qu'elles apportent un semblant de stabilité à court terme, tendent à perpétuer un environnement concurrentiel au détriment du bien-être humain.
Il est impératif de s'affranchir des approches managériales centrées sur la rentabilité.
La quête incessante de rentabilité, autrefois vénérée comme l'ultime dessein des entreprises, est de plus en plus remise en cause. Cette focalisation unidimensionnelle a éclipsé les attentes plurielles des parties prenantes, qui transcendent désormais les simples bénéfices financiers pour englober des considérations sociales et environnementales. Les indicateurs de performance ont acquis une dimension pluridisciplinaire, englobant non seulement des critères financiers, mais également des mesures de durabilité, des baromètres de l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ainsi que des normes de responsabilité sociétale des entreprises.
Les modèles managériaux traditionnels ont souvent négligé de prendre en considération le bien-être des employés, les réduisant au simple rôle de composants fonctionnels au sein d'une mécanique organisationnelle plus vaste. Cette vision étriquée a pour conséquence non seulement de limiter la productivité, mais aussi de propager une culture organisationnelle néfaste. A l'opposé, les structures qui placent l'individu au cœur de leur raison d'être démontrent une résilience exceptionnelle face à ces défis, libérant un potentiel d'engagement, de motivation et de créativité jusqu'alors inexploité.
L'implémentation d'une philosophie managériale centrée sur l'humain va au-delà d'une modification cosmétique des pratiques en ressources humaines ou des styles de leadership. Il s'agit d'une refonte philosophique majeure, visant à ériger la dimension humaine non pas comme un sous-ensemble de l'entreprise, mais comme son essence même. Les êtres humains ne devraient pas être des accessoires des processus décisionnels, mais plutôt en constituer la pierre angulaire.
Dans une ère où la technologie évince rapidement la pertinence du travail manuel, les propos d'Henry Ford, à savoir «Pourquoi obtiens-je toujours l'homme entier lorsque tout ce que je désire réellement est une paire de mains?», apparaissent presque comme une ironie du sort. Les organisations contemporaines doivent plutôt s'interroger ainsi: «Comment pouvons-nous mobiliser l'intégralité de l'être humain – son cœur, son esprit et sa passion – pour réaliser nos ambitions?»
Le management centré sur l'individu n'est plus une notion utopique restreinte aux milieux académiques ou aux discussions de cadres dirigeants. Il représente une stratégie d'action cruciale, adaptée à notre ère mondialisée, interconnectée et digitalisée, qui requiert une agilité et une résilience organisationnelles tout en conservant un respect inconditionnel pour la dignité humaine.
Les compétences et les aptitudes acquises dans le secteur de l'hospitalité, intrinsèquement fondé sur l'interaction humaine, sont idéalement positionnées pour être le fer de lance de cette transformation. En adhérant à une approche managériale centrée sur l'humain, il est probable qu'il établisse une nouvelle norme pour les organisations de nombreux secteurs aspirant à être plus compassionnées, innovantes et durables.
A cette conjoncture cruciale, la trajectoire à emprunter est manifeste: il est impératif de s'affranchir des philosophies managériales dépassées centrées sur la rentabilité, pour accueillir une nouvelle ère où les organisations ne se contentent pas de subsister, mais prospèrent en mettant l'individu au centre de leur essence.
Achim Schmitt est Professeur et doyen de la Graduate School de l'EHL. Ses recherches portent sur la théorie des organisations et la gestion stratégique.