Un grand escalier central en fer forgé, des boiseries d’époque, des fresques et un parquet historique, un mobilier brasserie, le tout dans un style Belle Epoque soigné. Près de trois ans de travaux auront été nécessaires pour redonner tout son lustre au Tonnelier de Bulle, adresse historique du chef-lieu gruérien. A l’origine fabrique de tonneaux destinés au transport du fromage puis auberge dès 1780, la bâtisse accueille aujourd’hui un restaurant et boutique-hôtel de 18 chambres. L'association Icomos vient de lui décerner le prix du restaurant historique de l’année 2023. Tandis que le prix de l’hôtel historique de l’année a été décerné au Ortstockhaus de Braunwald (GL), adresse de montagne située à 1772 mètres d’altitude.
«Nous voulions, grâce à ce projet faire revivre ce lieu mythique de Bulle sous forme de belle brasserie à l’ancienne. Nous n’avions pas d’autre choix que de tout refaire à neuf, car la bâtisse ne correspondait plus aux standards actuels», explique Georges Prost, copropriétaire des lieux depuis 2018. Avec ses deux associés, ils ont investi 5 millions de francs dans ce projet. «Après plusieurs esquisses, nous l’avons finalement axé sur la rénovation, et moins sur la transformation afin de ne pas devoir répondre aux normes antisismiques, une partie du bâtiment étant protégée, indique l’entrepreneur, qui relève une «bonne collaboration» avec le Service des biens culturels.
Soutenus par le bureau O Charrière Architectes et la décoratrice Thérèse Chollet, les porteurs du projet ont tenu à rester le plus authentique possible. Un élément majeur a toutefois été rajouté: l’escalier central en bois massif, fer forgé et balustrade en laiton. Il relie désormais la salle du café au restaurant à l’étage. «Cela nous permet de doubler le nombre de couverts et de passer à environ 120 places assises. Il était important pour nous de valoriser l'étage, jusqu'alors insuffisamment exploité», note Carlos Tenera, copropriétaire et chef de cuisine. A l’étage, tout a été refait à neuf, autant le bar que le mobilier, qui reste fidèle à l’esprit brasserie. La cuisine est mise en lumière grâce à une vitre donnant sur la salle à manger, et plus particulièrement sur la «table du chef». Ce dernier adapte sa carte toutes les six semaines afin de privilégier la saisonnalité des produits. En cette période de chasse, Carlos Tenera se réjouit de proposer un plat peu courant: le lièvre à la royale.
La surprise sous des couches de crépis et de peinture
Retour au rez. Ces travaux ont aussi permis de découvrir de belles surprises, comme le parquet d’origine et les boiseries d’époque. Et surtout: ces magnifiques peintures murales datant de 1901, signées d’un artiste piémontais Joseph Ferreiro. «Ces fresques avaient totalement disparu de la mémoire collective bulloise. Seule une partie de celle représentant le château de Gruyères était restée apparente, tandis que les autres avaient disparu sous d’épaisses couches de crépis et de peinture. Les restaurateurs d’art ont passé quatre à cinq mois à gratter au cutter pour les révéler», relate Georges Prost.
Cette valorisation de l’ancien n’empêche pas des touches de modernité. A l’image de cette impressionnante fresque murale extérieure, venue décorer et valoriser une façade borne. Signée par l’artiste de street art français Franck Bouroullec, elle représente entre autres un armailli de la Gruyère et deux personnalités historiques liées au Tonnelier, Nicolas Glasson et Elisabeth de France. La fresque rappelle également la chanson populaire «Pauvre Jacques» dont la fille a épousé un Glasson, propriétaire du Tonnelier.
18 chambres inspirées du style Art déco et Belle Epoque
La partie du bâtiment qui abrite l’hôtel, non protégée, a également été refaite à neuf. Les 18 chambres ne répondent volontairement à aucune catégorie d’étoiles. La couleur de leurs murs varie entre l’écru, le vert sapin ou le bleu nuit en fonction des catégories: cosy, supérieur et suites. Le décor s’inspire du style Art déco et Belle Epoque avec les têtes de lit en cuir marron, le bois de cerisier, les miroirs arrondis, les lampes globes, la robinetterie en laiton et le verre à l’ancienne réalisé sur mesure pour séparer la partie chambre de la salle de bain. Chaque chambre porte le nom d’une curiosité locale et invite son résident à partir à la découverte de ce lieu touristique grâce à une notice explicative en chambre.
«Il était important pour nous de rester fidèle à l’âme du Tonnelier, tout en le modernisant. Nous ne voulions pas en faire un lieu insipide, impersonnel. Nous voulions valoriser le bois, la hauteur de plafond et son histoire», résume Carlos Tenera. Rouvert depuis juin 2021, l’établissement accueille une clientèle hétéroclite, de tout âge et de toutes générations. Il mêle locaux fidèles et touristes de passages. Selon Grégoire Santschi, directeur administratif, la partie hôtelière enregistre également «une bonne progression», avec un taux d’occupation moyen de l’ordre de 60%.
Icomos
La distinction «L'hôtel/restaurant historique de l'année», qui récompense chaque année des établissements de l'hôtellerie et de la restauration pour la conservation et l'entretien de bâtiments historiques, a été décernée pour la 27e fois consécutive. Avec «Ortstockhaus» à Braunwald GL, c'est une auberge de montagne qui devient «Hôtel historique de l'année 2023». Le Tonnelier à Bulle FR a été élu «Restaurant historique de l'année 2023». La distinction repose sur la collaboration entre la conservation des monuments historiques, la gastronomie et le tourisme et est soutenue par les associations professionnelles Icomos Suisse, GastroSuisse, HotellerieSuisse et Suisse Tourisme. Un jury composé d'experts en conservation du patrimoine, en architecture, en histoire, en hôtellerie et en restauration désigne les lauréats sur la base des candidatures reçues et après des visites sur place. Le prix est décerné à l'automne pour l'année suivante. L'appel à candidatures pour le prix «Hôtel et restaurant historiques 2024» sera publié dans les prochaines semaines sur le site Internet d'Icomos. Le délai de candidature est fixé à fin février 2023.
icomos.ch