L'été s'installe et nous annonce de nouveaux pics de température. Ces dernières années, les records se succèdent ainsi que les alertes canicule, de plus en plus précoces. Besoin de fraîcheur? Suisse Tourisme a anticipé la demande et mis en exergue et sur internet une liste des «spots» les plus attrayants: quinze plages sable fin ou galets qui toutes donnent le sentiment d’échapper aux contraintes de la vie urbaine, avec des impressions de vacances.
Laquelle figure en tête de liste? C’est la nouvelle plage des Eaux-Vives, à Genève. Elus municipaux et habitants en ont rêvé pendant de longues années, avant que le projet soit enfin autorisé et mis en chantier dès 2017. Le site, au cœur de la ville, a été rendu partiellement accessible à la population en 2019, avant d'ouvrir définitivement le 22 août 2020. Et quelle plage! Elle s'étire sur 400 mètres de long et peut accueillir «entre 6000 et 8000 personnes», précisent les services de la Ville de Genève. Expérience faite, quel bilan en tire aujourd'hui l'Office du tourisme de Genève, trois ans après l’ouverture? [RELATED]
D'abord, du positif, comme le souligne d'emblée Adrien Genier, directeur de Genève Tourisme: «Il s'agit certainement de la plus longue plage urbaine en Suisse romande, à l'exception du site de Vidy et de ses plages de sable aux abords de Lausanne.» Adrien Genier salue aussi la bonne entente qui a prévalu entre toutes les parties prenantes et rappelle l’importance du travail de concertation effectué en amont: «La situation est assez particulière, ce qui touche au lac Léman relevant des autorités cantonales, et les rives, de la Ville de Genève». Les services de l’Etat et de la municipalité ont dû œuvrer en étroite collaboration pour valider chaque étape du projet d'urbanisme.
«Un pôle d’attractivité»
Le responsable de Genève Tourisme insiste ensuite sur la complexité de cette réalisation, qui en fait aujourd’hui aussi la richesse et même «un nouveau pôle d’attractivité» mis en avant par les agences de voyage et tours opérateurs vendant Genève comme lieu de séjour: il y en a pour tous les goûts. Le site a en effet été conçu pour offrir plusieurs zones en parallèle. Outre la plage elle-même, une vaste promenade centrale en béton dessert sur l’autre versant une longue pelouse accueillante et arborée. Et au bout de la promenade se déploie la structure flottante et effilée du restaurant et buvette de la plage, aux belles lignes architecturales, ouvrant sur un magnifique panorama où domine le fameux jet d’eau. Puis, le site du Port-Noir, réaménagé, ainsi que la Maison de la Pêche, qui permet d'accueillir les professionnels et amateurs de pêche dans un lieu dédié.
Il s'agit de la plus longue plage urbaine en Suisse Romande, à part Vidy.
Adrien Genier, Directeur de Genève Tourisme et congrès
Adrien Genier signale que pour ce projet d’urbanisme, il a fallu négocier également avec Pro Natura, intervenant sur les questions de respect de la faune et de la flore: cette plage publique longeant désormais le quai Gustave-Ador et le parc La Grange est aussi bordée d'une zone de nature au service de la biodiversité. Il s'agit d'une roselière créée de toutes pièces, afin d'abriter de nombreuses espèces. Là encore, le projet a été bien pensé, puisque cet espace a immédiatement été adopté par une faune variée. Ce cadre ajoute au sentiment de dépaysement et de fraîcheur, parmi les 4 hectares d’espaces verts de l’ensemble, mais comporte des limites bien compréhensibles: il est évidemment interdit de pénétrer dans cette zone protégée, de s'y baigner ou d'y baigner son chien.
L’importance de «jouer le jeu»
A lire certains commentaires diffusés par des usagers dans les médias ou partagés sur les réseaux sociaux, l'on retrouve ici l’un des rares bémols accompagnant cette nouvelle réalisation: une réglementation jugée parfois trop stricte, qui concerne aussi la plage des Eaux-Vives elle-même. Les interdictions touchent: tous types de véhicules; chiens et autres animaux domestiques, même tenus en laisse; feux et barbecues; musique amplifiée; privatisation, même temporaire, de tout ou partie de la plage, notamment par l’utilisation de mobilier (tentes, tables, bancs, etc.)… En trois ans, que dire du comportement des usagers?
Globalement, ils ont accepté de «jouer le jeu», résume Adrien Genier, qui ne relève aucun problème majeur, hormis quelques déchets laissés ici et là. Pas ou très peu de bris de verre, heureusement, le site étant par ailleurs équipé de zones de tri. «J’ai lu beaucoup de commentaires de lecteurs, par exemple dans la Tribune de Genève. Certains trouvent impensable que les chiens y soient interdits. Moi aussi, j’ai un chien, mais on comprend bien qu’il faut respecter certaines limites pour le bien de tous les usagers.» Pour le reste, la mixité des espaces et activités de ce nouveau lieu a contribué à son succès, estime le responsable, qui relève que les jeunes l’apprécient tellement qu’ils veulent parfois aussi en profiter… la nuit.
Enfin, un dernier atout, très cohérent avec l’ensemble du projet: la priorité donnée à la mobilité douce et l’accessibilité du site, bien desservi par les transports publics, que ce soit en bus ou en bateau.
Aménagement des Jeunes-Rives
La réalisation de la nouvelle plage des Eaux-Vives a-t-elle inspiré un tout autre projet aux abords d’un autre lac, celui des Jeunes-Rives à Neuchâtel? «Nous observons toujours avec intérêt ce qui se passe dans les autres régions», répond Violaine Blétry-de Montmollin, conseillère communale. Toutefois, la responsable du dicastère du développement territorial, de l’économie, du tourisme et du patrimoine bâti précise tout de suite qu’en ce qui concerne l’aménagement des Jeunes-Rives, dont certains travaux sont déjà en cours, nous sommes en présence d’une longue histoire.
En effet, l’exécutif de la ville réfléchit à un tel projet depuis la tenue d’Expo.02. Il s’agit d’un long processus, donc avec une mise au concours en 2010. L’une des difficultés était de présenter un dossier qui finalement «passe la rampe des opposants et des habitants. Le projet a été voté en 2020, ainsi que le budget. Il a inclus la population, dans une démarche participative», poursuit la conseillère. Contrairement à la nouvelle plage genevoise, qui a été gagnée sur le lac, créée de manière artificielle et a nécessité un volume de remblai impressionnant, le site des Jeunes-Rives préexiste mais a été en grande partie repensé pour l’occasion.
Le réaménagement «prévoit la réalisation d'un parc de 70 000 m², reliant le lac au cœur de la cité et proposant une vaste plage urbaine, des établissements publics ouverts toute l'année, une grande place de jeux et des équipements pour les loisirs, tout en accueillant des événements culturels», expliquent les autorités, qui l’ont inscrit dans le cadre de leurs «grands projets».
Mise en valeur
Un grand projet qui, comme pour son voisin genevois, sert déjà de vitrine pour mettre en valeur les attraits de Neuchâtel, images de synthèse, vues aériennes et photographies servant sa communication. Avec pour horizon, «une grande plage urbaine d’environ 150 mètres engazonnée et ombragée par les arbres préservés, un accès à l’eau facilité et un véritable espace de rives propice à de multiples activités». Cette nouvelle plage sera deux fois plus longue qu’actuellement. Elle devrait être terminée pour l'été 2024.
A Neuchâtel, la nouvelle plage sera deux fois plus grandequ'actuellement. Elle devrait être terminée en été 2024.
Si là aussi, le projet joue la carte de la mixité, de la polyvalence et de l’ouverture sur une diversité des publics attendus, Violaine Blétry-de Montmollin souligne une autre particularité. Les problèmes spécifiques liés au réchauffement climatique et aux épisodes de canicule ont fait partie intégrante des réflexions. La responsable neuchâteloise évoque ainsi la destruction de la Place du 12-Septembre, lieu convivial et emblématique avec ses deux restaurants-buvettes. Les travaux ont dû être repoussés d’une année en raison de plusieurs oppositions.
Ce printemps, les pelleteuses ont enfin pu intervenir. La construction d’une nouvelle batellerie mieux conçue est prévue. Pour Violaine Blétry-de Montmollin, il n’était plus cohérent de conserver telles quelles cette place et ses structures en béton, réalisées en 1981, mais qui ont fini par se muer en «véritable îlot de chaleur». Le parking en demi-cercle qui jouxte cette place dans la partie nord est lui aussi voué à disparaître. Adieu les voitures au bord du lac? A elle seule, leur exclusion représenterait déjà tout un symbole.