Fribourg dépoussière ses atouts médiévaux, le temps d’un été. Les drapeaux hissés au sommet de ses nombreuses tours de garde indiquent le chemin. Pour la première fois depuis une trentaine d’années, ses remparts et ses fortifications sont ouvertes au public. Un projet souhaité de longue date par Fribourg Tourisme. C’est finalement l’année du patrimoine 2018 qui aura donné le coup de pouce nécessaire à sa concrétisation. Pourtant, la pérennité de ce projet n’est pas encore assurée.
«Fribourg jouit d’un patrimoine extrêmement riche. Nous pouvons vendre une ville sur la base de divers arguments – notre golf urbain, notre petit train touristique – mais lorsque nous possédons un tel trésor chez soi, il est ridicule de ne pas pouvoir le valoriser touristiquement parlant.» Cédric Clément, directeur de Fribourg Tourisme, parle de cette expérience avec entrain. «Cette balade permet de découvrir la ville différemment, offre des points de vue insolites. On parcourt des tronçons incroyablement calmes, traverse des jardins où l'on entend les oiseaux gazouiller. Ces vieilles pierres sentent l’histoire.»
«Lorsqu'on a un tel trésor chez soi, il est ridicule de ne pas pouvoir le valoriser.»
Cédric Clément, Directeur Fribourg Tourisme
Si Fribourg peut se vanter d’avoir «des fortifications les plus importantes encore conservées en Suisse», le Service des biens culturels convient: «Leur entretien est une tâche continue – et qui a son coût – à charge de l’Etat. Pourtant, ces monuments ne font que ponctuellement l’objet d’une mise en valeur active en lien avec la promotion touristique et culturelle du canton.» Cette expérience, pour l’instant limitée à cet été, fait office de test. Le Conseil d’Etat doit «prochainement» élaborer une stratégie visant à valoriser le patrimoine fribourgeois et en faire un atout majeur du canton.
Un projet qui a nécessité plusieurs années «d'obstination»
Aujourd’hui, lorsqu’on accède à ces remparts remarquablement conservés, cela apparaît comme une évidence. Et pourtant, cette nouvelle offre a nécessité plusieurs années de travail. Cédric Clément parle d’une «forme d’obstination». L’office du tourisme avait donné l’impulsion en finançant, en 2015 déjà, une étude de faisabilité. «L’architecte mandaté offrait une vision très précise et concrète afin de réaliser un tour complet de la ville, allant jusqu’à reconstituer l’itinéraire qu’empruntaient les enceintes de la ville», raconte le directeur. Ce patrimoine appartenant au Canton, il manquait apparemment de volonté politique à la réalisation de ce projet ambitieux. «Les aspects sécuritaires ont refroidi les autorités, d’autant plus suite à un accident mortel survenu dans l’une des tours louées aux scouts», poursuit le directeur.
Cette année dédiée au patrimoine culturel, couplée «à une bonne constellation de personnes» selon Cédric Clément, ont permis de franchir le pas de la réalisation. Une armada de services cantonaux ont été impliqués dans ce projet: les biens culturels, l’archéologie, les bâtiments, même les parcs et promenades et la voirie de la Ville. Une mobilisation qui a permis une mise en œuvre «en un temps record», selon le communiqué officiel. «Nous avons été contactés à temps pour l’élaboration du plan touristique», relève Cédric Clément. La boucle complète représente une dizaine de kilomètres. Le visiteur pourra se promener sur environ 1,5 kilomètre de remparts et découvrir de l'intérieur huit tours et portes, dont deux qu'il pourra gravir jusqu'au sommet. Les éléments disparus sont indiqués sur la carte afin de suivre le tracé original des enceintes.
Toutes les précautions ont été prises pour éviter tout incident. Dans la tour Henri, d’importantes infrastructures en bois ont été aménagées sur les six étages. Certaines fenêtres ont été barricadées, des éléments anti-chute créés dans les escaliers. Plus loin, des échafaudages ont été construits pour permettre de monter sur les remparts. Soit un budget total de 300 000 francs, qui comprend aussi les frais liés à l’entreprise privée de sécurité qui se charge chaque jour d’ouvrir et de fermer les accès. Si la visite des enceintes et des fortifications peut faire l’objet de tours guidés organisés par l’office du tourisme, celles-ci sont librement accessibles à la population, tous les jours de 9 h à 19 h.
L'absence d'accident et de déprédation sera décisif
Seule ombre au tableau: le projet se termine officiellement le 31 octobre 2018, avec l’année européenne du patrimoine. «Si le succès est au rendez-vous, la pérennisation de l’accès sera envisagé», promettent les autorités. Dans cet exercice, l’absence de déprédation et d’accident sera décisif. La question du financement et de la logistique devront également être réglées, tout comme les accès. Un compteur a été installé à l’entrée des fortifications, mais Cédric Clément tient à préciser: «Nous ne visons aucun objectif quantitatif.»
Pour la suite, il marche sur des œufs. «Difficile de faire la promotion d’une offre que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir à nouveau proposer l’an prochain. Alors que Suisse Tourisme nous demande maintenant nos nouveautés 2019…» De son côté, ce ne sont pas les idées qui manquent, comme celle de créer une salle de séminaires dans l’une des tours, un hébergement insolite. «La tour Rouge se dresse telle la pyramide de Tikal! La terrasse dont elle dispose à l’avant permettrait d’accueillir des apéritifs par exemple.» Il repense à certains éléments de l’étude de faisabilité. «L’architecte imaginait de recréer des éléments disparus de manière assez futuriste, comme un belvédère vitré au-dessus de la vallée du Gottéron. Nous ne demandons pas cela pour l’année prochaine, mais au moins l'accès aux remparts, et une volonté d’aller de l’avant…»
Laetitia Grandjean
