L’hôtellerie suisse peut se féliciter de la décision du Conseil national d’avoir interdit les clauses de parité restreintes pratiquées par les plateformes de réservation en ligne à son endroit. Ce pas était attendu par toute la branche du tourisme depuis 18 mois lorsque le Parlement a été saisi de l’affaire. C’est la victoire de l’engagement sans commune mesure jusqu’à ce jour des hôteliers pour défendre, unis, leurs intérêts. Ce fut l’affaire de tous: des sièges centraux d’hotelleriesuisse et de ses alliés, des associations régionales et de tous les membres qui sont intervenus auprès de leurs élus et qui ont aidé nos parlementaires à mieux comprendre les enjeux de la motion Bischof.
Par sa décision, le Parlement reconnaît d’abord que l’hôtellerie suisse subit un désavantage concurrentiel vis-à-vis de ses voisins et que ce désavantage ne doit pas s’additionner inutilement à toute la série d’autres contraintes auxquelles elle doit déjà face. C’est aussi la reconnaissance que le marché des réservations dysfonctionne et que certains acteurs de l’ère numérique confisquent ses avantages pour préserver leurs propres intérêts aux dépens de l’économie en général, PME comme consommateurs. A ces comportements monopolistiques, il convient de mettre des garde-fous. La numérisation ne saurait être au-dessus des lois ou des règles élémentaires que sont la liberté d’entreprendre et de fixer ses prix pour la seule raison qu’elle est innovante. A ce titre, le signal du Politique va au-delà des clauses de parité restreintes imposées par les plateformes de réservation en ligne. Il s’adresse à toute l’économie numérique qui est tenue de respecter l’égalité des règles du jeu avec les acteurs de l’économie traditionnelle.
De leur côté, les hôteliers sont bien inspirés de ne pas stigmatiser la digitalisation. Cette dernière est vitale pour leur développement et il est nécessaire que chaque entrepreneur reste en éveil face aux extraordinaires opportunités qu’elle offre.
Si les hôteliers célèbrent aujourd’hui une victoire méritée, ils devront encore attendre longtemps avant d’en savourer les fruits. Le Conseil fédéral et son administration ont maintenant deux ans au plus pour faire des propositions d’amendements législatifs. Le Parlement devra à son tour les avaliser. Avec l’acceptation de la motion Bischof, deux scénarios s’ouvrent aujourd’hui: le Parlement inscrit définitivement l’interdiction de la parité restreinte dans la loi et l’affaire est close. Si en revanche, il refuse les changements législatifs du gouvernement, la motion Bischof est lettre morte. La Commission de la concurrence (Comco) pourrait alors à nouveau ouvrir l’enquête et condamner la parité restreinte.
L’autre scénario serait que, parallèlement au travail de l’administration, la Comco se penche sur les parités, prenant en compte le développement du marché et de l’environnement politique en Europe. La Comco dit aujourd’hui ne pas vouloir interférer avec le travail législatif. C’est regrettable. En travaillant parallèlement à l’administration, elle éviterait à cette dernière et au Parlement un travail inutile. La Comco doit lire aujourd’hui la décision des Chambres comme un signal à se ressaisir du dossier. Pour les hôteliers, seule compte la disparition de ces clauses iniques. Que ce soit au travers de la loi ou d’une procédure administrative. Pour l’Etat en revanche, une décision de la Comco induit une loi de moins.
Christoph Hans est responsable de la politique économique d'hotelleriesuisse