Ils sont plusieurs centaines de jeunes chaque année à soutenir activement les entreprises et institutions touristiques. Ils sont avides de compétences pratiques, reconnaissants pour un premier salaire et font dans la plupart des cas preuve d’une grande humilité. Les stagiaires jouent un rôle prépondérant dans le renouveau de nos professions. Ils méritent, au moins le temps d’une chronique, notre attention.

Le salaire mensuel minimal pour un stagiaire est de 2212 francs selon la convention de travail pour l’hôtellerie-restauration suisse (l-gav.ch). A ce «prix», les stagiaires sont abordables même pour les plus petites entreprises. Certains considèrent que ce salaire reflète une main-d’œuvre trop bon marché. D’autres réfléchissent tout simplement à tracer les stages pratiques des plans de formation. C’est à mon avis un mauvais calcul. Si les entreprises ne peuvent plus bénéficier de stagiaires durant la formation, elles forceront les diplômés à entrer par un stage après la formation. Ceci s’est particulièrement avéré dans des secteurs qui sont année après année servis par un nombre important de nouveaux diplômés.

La formation duale, reconnue comme pilier incontournable de l’économie suisse, est inconcevable sans la proximité entre ceux qui forment la relève et ceux qui sont censés l’engager. Sans ce dialogue permanent, les plans de formation deviennent stériles. Certes, des projets pratiques réalisés à l’école, de concert avec l’économie et dans le meilleur des cas appuyés par des instituts appliqués, peuvent remédier à cette évolution. Or, un projet d’école ne remplacera jamais une immersion totale de l’étudiant.

Si l’on met le débat de la main-d’œuvre bon marché de côté, on s’aperçoit que les stagiaires jouent un rôle important dans nos institutions et entreprises. Ce sont des agents de changement – des game changers, pour reprendre le terme de Noreena Hertz. Précurseurs de nouvelles tendances et souvent à la pointe des dernières technologies, ils sont force de proposition. Motivés à faire leurs preuves, ils sont en permanence sur le gril et rompent souvent avec le rythme des autres collaborateurs. Si une entreprise comprend cette force des stagiaires, elle peut s’en servir pour rajeunir ses structures et faire sortir les collègues de leur zone de confort.

Il est généralement admis que dans la société en réseau, les professions de demain ne sont aujourd’hui pas encore connues. Ainsi, le stagiaire joue aussi un rôle essentiel pour la conception des plans d’études et l’agilité des formations. Etant exposé à la réalité du terrain et restant en contact avec ses professeurs, il leur relaie les cohérences et incohérences de la matière enseignée. De cette manière, il ne contribue pas seulement au rajeunissement des structures de l’entreprise, mais tout autant à la dynamique des plans d’études.

Pour bien se dérouler, le stage doit se baser sur une convention personnalisée. Un cahier des tâches flexible et un planning des phases d’apprentissage sont tout aussi indispensables qu’un suivi régulier et précis par un responsable. L’école doit connaître les profils personnels de ses étudiants ainsi que leurs affinités. C’est un travail considérable. La récompense est un retour direct sur la pertinence de l’enseignement. Nous sommes dans une situation de triple win – entre le stagiaire, l’entreprise et l’école.

Ainsi, je dois une fière chandelle aux stagiaires qui m’ont toujours accompagné depuis que j’ai fait le pas de l’enseignement à la pratique. Ils ont contribué à la mise en scène de destinations, au storytelling, à la mise en place d’un observatoire du tourisme, au calcul de la contribution économique, à la transformation du marketing, à la concentration sur les flux de visiteurs, à la digitalisation des processus et à l’implémentation de tableaux de bord financiers – pour ne citer que quelques thèmes. A l’heure où de nombreux étudiants sont à la recherche d’une place de stage ou terminent leur formation, nous devons leur témoigner notre reconnaissance. Pour leur ouverture, leur flexibilité, leur patience, leur franchise et leur intérêt. Sans eux, la société en réseau et la formation duale deviendraient des concepts purement théoriques.


Thomas Steiner est expert en tourisme, membre du jury du Milestone et du comité de Suisse Tourisme. Il est directeur de Bulliard Immobilier SA