Dès le jeudi 20 août, la Commission de l’économie et des redevances de la Chambre haute (CER-e) s’attaque, après le Conseil national, aux différentes propositions actuellement sur la table. Le Conseil des Etats va-t-il suivre la version de la Chambre basse ou au contraire s’aligner sur le contre-projet du Conseil fédéral? Va-t-il privilégier la formule proche de l’initiative ou le projet inutilisable du gouvernement? Le comité de l’association de soutien a annoncé cette semaine, qu’elle allait demander au comité d’initiative de retirer l’initiative si le Conseil des Etats adopte la version du Conseil national. Ce serait un pas envers les opposants qui préfèrent régler les exigences de l’initiative dans la loi plutôt que dans la Constitution. Les initiants renonceront pour leur part à la sécurité à long terme qu’assure un ancrage dans la Constitution, ce qui est loin d’être une formalité.
L’initiative (et la version du National) s’attaque aux prix de production élevés et à l’îlot suisse de cherté. Trop souvent nos entreprises sont prisonnières de canaux de distribution imposant leurs prix de façon unilatérale. L’initiative renforce la marge de manœuvre de la Commission de la concurrence (Comco) pour lutter contre les abus de certains producteurs qui profitent de notre pouvoir d’achat élevé. PME et consommateurs paient des prix surfaits, en moyenne de 30 à 50%, au seul titre de notre capacité financière. BAK Basel a démontré que dans le commerce de détail par exemple, les salaires ne représentent que 14% de la différence de prix avec l’étranger. Le reste est imputable aux droits de douane et aux obstacles techniques au commerce ou provient d’entraves à la concurrence dans le rapport entre entreprises. C’est sur ce volet-là qu’intervient l’initiative. Lorsque la concurrence fonctionne, le niveau général des prix baisse, comme le prouve le marché des biens électroniques.
Dans son contre-projet, le Conseil fédéral restreint la portée de l’initiative aux seules entreprises en concurrence directe avec l’étranger. C’est une façon déguisée de protéger les entreprises suisses qui imposent des marges surfaites à leurs clients. Le Conseil fédéral empêche ainsi des pans entiers de l’économie de profiter des bienfaits de l’initiative: hôpitaux, administrations publiques, centres de recherche et de formation dépensent des milliards dans leurs équipements, en payant parfois des marges fantaisistes, ce qui renchérit inutilement leurs prestations et la facture des contribuables. Dans une étude récente de la HES du Nord-Ouest, le professeur Biswanger estime que les hôpitaux perdent chaque année quelque 600 millions de francs en différence de prix sans aucun gain de productivité. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’un cathéter de dilatation coûte 120 francs en Allemagne et 800 francs en Suisse?
En plus, le Conseil fédéral préserve les grands distributeurs, car seule l’offre de prestations - et non l’offre et la demande - est soumise au contrôle des abus. Pourtant certains fournisseurs, comme les paysans, sont dépendants de grands groupes pour l’écoulement de leurs produits.
Le gouvernement est d’avis que l’îlot de cherté se combat mieux en réduisant les obstacles techniques au commerce et en baissant les droits de douane. Il faut se féliciter de voir l’Etat balayer devant sa porte. En effet, réduire ces entraves ne dépend que de la politique. Ce faisant, le Conseil fédéral élude les abus de certaines entreprises dans leurs relations avec leur client et c’est là où le bât blesse vraiment.
Les opposants avancent que les importations parallèles sont un meilleur moyen de lutter contre la cherté en Suisse. Malheureusement, ces dernières ne fonctionnent pas à satisfaction à cause des canaux de distribution opaques qui prennent encore et toujours les PME en tenaille. Monter un système d’importations parallèles demande beaucoup de ressources et de savoir-faire, de telle sorte que seules les grandes entreprises ayant un pied à terre à l’étranger en profitent vraiment.
Les adversaires de l’initiative prétendent que la Comco va se transformer en contrôleur des prix et sera confrontée à des coûts bureaucratiques immenses. Pourquoi le deviendrait-elle, alors qu’elle n’a jamais dicté de prix jusqu’ici? Et il n’y aura pas avalanche d’enquêtes non plus, parce les pouvoirs étendus de la Comco auront aussi une fonction préventive. Les entreprises qui imposent des prix surfaits et se verront dénoncées s’exposent à l’opprobre publique avant même que la Comco ait rendu son verdict. Dans le domaine de la consommation, le dégât d’image ne vaudra pas la peine de risquer des marges surfaites.
En mars dernier, le Conseil national ne s’est pas laissé induire en erreur par les arguments des opposants et a donné raison aux initiants sur toute la ligne. Il appartient maintenant aux Sénateurs de confirmer cette version. Ils contribueront à rendre la place économique plus compétitive. L’initiative pourra alors être retirée. Administration fédérale et économie s’éviteront des coûts inutiles dans un combat contre l’îlot de cherté gagné d’avance devant le peuple.
Christophe Hans est responsable Public Affairs d’HotellerieSuisse et membre du comité de l’association de soutien à l’initiative «Stop à l’îlot de cherté – pour des prix équitables». Il y représente HotellerieSuisse et ses associations régionales.