Comprenez-vous les débats passionnés occasionnés par l’arrivée de Tibits, à Lausanne, depuis trois ans? Oui. Nous arrivons dans un endroit attaché à l’histoire des Lausannois.
Nous devions leur prouver que nous serions attachés à préserver ce lieu, que nous n’allions pas tout casser, tout en proposant notre identité basée sur le végétarien. En ces jours d’ouverture douce, un grand habitué du buffet de gare est venu nous rendre visite, il a retrouvé des éléments symboliques qu’il aimait comme les fresques ou les portraits des conseillers fédéraux, nous a remercié.
Et quand on déplore l’arrivée d’une chaîne de restauration dans un buffet de gare…
Ce mot me gêne. Nous sommes une entreprise familiale avec plusieurs restaurants.
Vous trouvez la Suisse romande très attachée à ses traditions…
Je comprends et j’aime les traditions. Je ne suis pas complètement végétarien. Je suis allé goûter cette semaine les papets vaudois au restaurant le Grütli et au café romand. J’ai trouvé très bon, mais ai aussi remarqué qu’une grande partie du plat repose sur les patates, les poireaux et oui en effet il y a une saucisse. J’ai appris le métier de chef au Dolder Grand, à Zurich. On reproduisait systématiquement les recettes du grand Escoffier. Aujourd’hui on peut en conserver des éléments, mais on cuisine de façon beaucoup plus saine. Il faut oser… Comme mon arrière-grand-père Ambrosius Hiltl quand il a ouvert son restaurant végétarien Hiltl, à Zurich. En 1898 les gens rentraient par la porte arrière par honte. Il a fallu attendre les années 1970 et les scandales alimentaires pour que cela devienne un peu à la mode.
Mais en Suisse romande aussi les choses changent…
Oui il y a dix ans, on aurait pas encore osé venir en Suisse romande. Le marché restait dominé par des brasseries où on proposait majoritairement du steak frites. Aujourd’hui beaucoup de clients nous demandaient l’ouverture d’un Tibits à Lausanne et certains en réclament un à Genève.
Vous avez étudié à l’Ecole Hôtelière de Lausanne où aujourd’hui encore on exige des cheveux courts pour les garçons et on ne veut pas d’étudiants tatoués ou avec des piercings apparents… Alors que Tibits et Hiltl engagent des gens quel que soit leur look. De quel côté vous situez-vous?
Au Chalet à Gobet, on me demandait sans cesse d’aller couper mes cheveux. L’EHL a conservé des codes stricts, chez nous on peut défendre l’accueil aussi autrement. Je vous donne un exemple. L’autre jour, chez Hiltl une femme est arrivée à un entretien d’embauche avec des tatouages partout, y compris sur le visage. Elle nous a dit qu’elle ne trouvait pas d’emploi. On lui a fait confiance et nos clients la trouve géniale, elle met beaucoup de cœur à son travail. Par ailleurs, tous nos collaborateurs nous tutoient.
Vous comprenez que l’on puisse regretter que vous ne travaillez pas uniquement avec des produits bios?
Sur tous nos produits laitiers nous sommes certifiés bio, voir Demeter. Nous offrons des produits uniquement végétariens et végétaliens avec une très bonne offre locale, une grande attention à des produits suisses et européens. Mais nous ne parvenons pas à travailler uniquement avec des producteurs de tomates suisses comme par exemple Vreni Giger... Nous n’en trouvons pas suffisamment pour la quantité de plats que nous travaillons.
Vous êtes aussi propriétaire de trois boîtes de nuit à Zurich… Est-ce compatible avec l’éthique de Hiltl?
Absolument, nous interdisons par exemple l’entrée aux clients portant de la vraie fourrure dans nos boîtes de nuit. En plus, danser reste bon pour la santé et une Vodka Tonic demeure végétalienne…