«Tout le monde court et essaie de faire au mieux.» Jérôme Gachet, responsable Communication du MOB, résume assez bien l’état d’esprit qui règne au sein de l’industrie touristique depuis près d’une semaine. Suspendus aux décisions du Conseil fédéral, les prestataires touristiques romands ont tous fermé leurs portes, la plupart depuis ce week-end déjà. Cette mesure, valable jusqu'au 19 avril, concerne absolument toute la palette touristique: les musées, l’offre culturelle et sportive, les transports touristiques, les bains thermaux, les activités de divertissement. «La santé de nos clients et de nos collaborateurs représente pour nous la priorité», partage avec sérénité Bernhard Tschannen, CEO de Glacier 3000. Contrairement à d’autres stations de ski restées ouvertes jusqu’à la fin du weekend dernier, le domaine a choisi de fermer toutes ses installations dès le samedi 14 mars.
«Mars-avril sont normalement nos mois les plus forts de l’hiver. Nous nous attendions un peu à des restrictions, mais pas d’un jour à l’autre. Nous avons organisé le rangement du domaine skiable pour le convertir en mode été. Ce lundi à midi, tous nos collaborateurs étaient à la maison», détaille Bernhard Tschannen. Glacier 3000 emploie environ 80 personnes. Parmi celles-ci, seules cinq à six personnes travaillent encore à temps partiel, occupées à des tâches telles que le marketing, la comptabilité, les réservations et l'information. L’entreprise envisage de faire appel au chômage technique, également pour les saisonniers. Après un «excellent début de saison», Glacier 3000 avait déjà perdu 60 à 70% de sa clientèle de groupes durant le mois de février.
Le MOB s'attend à une baisse des recettes de 80% en mars
La semaine dernière encore, le domaine skiable et de loisirs faisait partie des acteurs touristiques annonçant vouloir miser sur le marché suisse pour compenser la baisse de fréquentation visible depuis février en provenance des marchés lointains. Cette stratégie est pour l’heure reportée. «Plus on se tiendra à ces mesures, plus vite cette situation difficile sera derrière nous», estime le CEO. «L’objectif consiste à limiter la propagation du virus et non d’encourager les clients à utiliser notre offre», indique à son tour Jérôme Gachet. Le MOB accueille une majorité de touristes (80 à 85% de ses flux) tout en assurant le transport de passagers. Une situation particulière qui complique la gestion de la crise. L’entreprise a fermé les lignes menant aux Rochers-de-Naye et aux Pléiades, et interdit les voyages de groupes, les trains spéciaux et le train du fromage. Elle dessert encore les lignes Montreux-Vevey-Rivera et Montreux-Oberland bernois, mais s’apprête à réduire la cadence. Elle annonce aussi recourir au chômage partiel. Quant aux pertes estimées, elles s’alourdissent de jour en jour: «Notre fréquentation avait baissé de 20% en février. Pour mars, nous nous attendons à une baisse des recettes de 80%. L’année s’annonce très compliquée.»
A Gruyères, le château était encore ouvert lundi. Il limitait son accès à 50 personnes, y compris le personnel. «Nous ressentions jusque-là une baisse, mais assez insignifiante, nos visiteurs étant des Suisses, des familles et non des caristes. Mais aujourd’hui [lundi], c’est très clair. Le message est passé auprès de la population, il n’y a vraiment pas grand monde…» Filipe Dos Santos, directeur du château, garde la tête froide. Il annonçait «être prêt à tout» et avait déjà pris la décision, comme beaucoup d’autres, de repousser les manifestations et vernissages agendés. Laurène Weguener, responsable Communication et marketing de l’Alimentarium de Vevey, confirme une période pascale habituellement riche en événements pour le musée. Entre le 14 mars et le 30 avril, plus de 1500 personnes y étaient attendues, sans compter les traditionnelles visites du musée. «Nous avons bien entendu stoppé la promotion de notre nouvelle exposition mais comptons utiliser cette période pour mettre l’accent sur notre offre de musée en ligne, en proposant des jeux notamment.»
Le château de Chillon freinera les dépenses
Fortement dépendant des visiteurs étrangers à raison de 75%, le château de Chillon a vu son affluence chuter depuis plusieurs semaines déjà. «Notre fréquentation suit la courbe des nuitées en Suisse», déclare sa directrice Marta Dos Santos. Sachant le taux d’occupation des hôtels romands en chute libre (lire ci-dessous), tout porte à croire que les visiteurs n’étaient plus très nombreux. «Il est difficile à l’heure actuelle de chiffrer précisément les répercussions économiques que cette situation exceptionnelle aura sur l’exploitation. Plusieurs scénarios sont étudiés en parallèle», relève aussi un communiqué de presse. La fondation a annoncé devoir recourir au chômage partiel. «Nous serons attentifs aux dépenses, tout ce qui n’est pas indispensable sera mis en attente. Heureusement, nous venons de boucler une période d’investissement avec notamment le nouveau restaurant qui est terminé. La qualité de nos services sera assurée au moment de la reprise», poursuit Marta Dos Santos. Une certaine confiance qui ne l’empêche pas d’exprimer ses préoccupations: «Je m’inquiète de l’impact de cette situation sur l’économie mondiale. On peut s’attendre à une baisse du pouvoir d’achat qui pourrait se reporter sur les loisirs et le tourisme.»