L’affiche touristique suisse constitue un véritable patrimoine. Ce que Jean-Charles Giroud, l’ancien directeur de la Bibliothèque de Genève, a amplement démontré au fil de ses multiples publications: Les affiches du Léman (Georg, 1998), Paradis à vendre (Cramer, 2005), Un siècle d’affiches suisses de sports d’hiver (Cramer, 2006) ou Chillon – la belle époque de l’affiche (Chillon, 2013), notamment.
L’excellence helvétique en matière de graphisme et d’imprimerie ne pouvait que contribuer au développement de l’industrie hôtelière et touristique. Il convenait de faire connaître les stations naissantes, ainsi que les moyens d’y accéder: routes, cols, lignes ferroviaires… Mais, comme le note Charles Giroud, «aux premières affiches qui valorisent la maîtrise technique et architecturale de l’homme sur la nature succède l’exaltation des paysages à travers la sublimation des montagnes, lacs et autres monuments emblématiques.»
Qu’il s’agisse d’Emil Cardinaux, de Burkhard Mangold, de Martin Peikert ou d’Edouard Elzingre, des peintres de talent hissèrent ces supports promotionnels au rang d’œuvres d’art, orgueil aujourd’hui des collectionneurs et manne des rééditeurs. La prééminence de la photographie dès la fin de la Seconde Guerre mondiale a marqué la fin de cet âge d’or. Elle a signé parallèlement l’arrêt de mort de l’illustration de mode à laquelle des Bérard, Vertès et autres Gruau avaient donné ses lettres de noblesse.
L’affiche touristique est devenue plus figurative, plus réaliste, d’une incomparable qualité d’exécution. Mais elle a perdu une part de sa magie poétique. Certes, une réanimation du graphisme art nouveau ou art déco n’aurait aucun sens. Tant d’années se sont écoulées.
Mais pourquoi ne pas s’inspirer des sujets du passé pour faire œuvre nouvelle? C’est ce que se sont dit Robert Topulos et Vincent Cherpillod. Le premier est un graphiste vaudois, le second un journaliste valaisan. A les entendre, «l’artisanat du souvenir suisse mérite un coup de balai!»
A l’enseigne de Wheel of Cheese, ils viennent de sortir une édition limitée de posters illustrant les grands cols: Saint-Bernard, Saint-Gothard, Albula, Fluela, Splügen, Furka, Nufenen, Klausen, Grimsel, Simplon, Susten et Oberalp.
Un clin d’œil aux grands affichistes d’antan y est décoché, mais le style est résolument contemporain. Très colorés, ces grands aplats sont d’un bel effet. Autre emblême helvétique, le Cervin immergé dans un camaïeu de bleus ne pouvait manquer à l’appel. Décrivant leur ligne comme «exclusive, moderne et vivante», les promoteurs de Wheels of Cheese souhaitent qu’«elle stimule l’imaginaire, raconte l’aventure. C'est une impulsion artistique pour éveiller vos rêves de baroudeurs.» De fait, un bolide de Formule1 part à l’assaut du Gothard, une Aston Martin débouche devant l’hôtel de la Furka et un bimoteur surplombe le Splügen.
«Rêves de baroudeurs», disent-ils…
Jean Pierre Pastori est journaliste et écrivain. Ancien directeur du Château de Chillon et président de la Fondation Béjart Ballet Lausanne. [IMG 2]
Les chroniques du «cahier français» cèdent la plume à Jean Pierre Pastori et Anouck Weiss.