Au château de Leuk, lundi dernier les 78 vignerons-encaveurs signataires de la Charte Saint-Théodule fêtait les 50 ans de leur association. En 1967 dans un paysage viticole encore marqué par la présence de coopératives et de grandes caves, un petit groupe pionnier a fondé cette association. Ses membres s’engageaient à proposer des vins authentiques et de grande qualité en privilégiant de faibles rendements à la vigne. Elle fut notamment la première en Suisse à imposer de soumettre ses vins au contrôle d’une commission de dégustation. Le conseiller d’Etat Christophe Darbellay a insisté sur le rôle déterminant des vignerons-encaveurs qui ont donné l’impulsion pour obtenir des vins de qualité en Valais, jouant le rôle de mouche du coche.
Marie-Thérèse Chappaz, vigneronne multirécompensée, préside actuellement la Charte Saint-Théodule en rappelant le devoir de: «Sens, vérité et authenticité», demandé à ses membres. Comme pour illustrer ses propos et l’immense potentiel de garde du vin valaisan, une verticale exceptionnelle de vins remontant jusqu’à 1964 a été mise sur pied lundi. L’occasion de découvrir de véritables trésors.
Notre première grande émotion fut liée au Pinot Noir 1975 de la Cave Simon Maye, à Saint-Pierre de Clages. Des arômes de cumin, d’amande torréfiée, quelque chose de noblement faisandée au nez laisse ensuite sa place en bouche à de la figue avec un final comme une caresse de caramel un nectar d’automne idéal. Denis Saverot, rédacteur en chef de la prestigieuse Revue des vins de France, qui se dit encore novice en vins valaisans a souligné «la dimension profondément poétique de ce vin».
Tous les passionnés de vins valaisans, à l’instar du grand dégustateur Dominique Fornage vouent un culte au cépage Ermitage, mais il faut goûter ses vieux millésimes pour sonder encore plus la profondeur de son mystère. On commence par un Ermitage 1996, de la Cave Le Bosset, à Leytron. D’emblée la complexité frappe, de la truffe, du potiron, de l’alcool de framboise, une longueur poivrée, vraiment fascinant. Corinne Clavien, œnologue cantonale, souligne les qualités de ce vin «ensorcelant sur un cépage compliqué à vinifier à ce niveau dans sa version sèche.» Pour Denis Saverot il touche directement le système nerveux par sa finesse, sa classe.» Autre étape de la dégustation la découverte de l’Ermitage 1967 d’Eloi et André Roduit (producteurs aujourd’hui disparus). Des flacons que le père de Marie-Thérèse Chappaz avait acheté à l’époque et qu’elle a ouvert pour l’occasion. Un flacon étonnant proche d’un vin orange, presque de la liqueur. On y retrouve de la pulpe de pamplemousse, de l’écorce d’agrume, comme des dattes séchées. Denis Saverot dit: «J’aime cette balance entre suavité et tension, il faut le boire pour lui-même, le comparer à rien d’autre.»
Corinne Clavien tient à rendre hommage à ces grands vignerons d’hier auquel on associe aussi Louis Imhof, dont un Pinot Noir 1967 fut dégusté: «Sans ces gens-là, les vins du Valais ne feraient pas l’honneur de notre canton aujourd’hui. Ils doivent nous inspirer, il faut continuer à se battre pour la qualité de nos cépages autochtones notre force, notre fierté, bien plus important que ces cépages internationaux qui se multiplient partout.»