La Suisse pays des banques, du chocolat et des montres… Telle est l’image caricaturale que l’on s’est longtemps faite, à l’étranger, de notre pays. Depuis les scandales qui ont entaché leur réputation, les banques, les grandes banques du moins, ne sont plus un atout pour la promotion touristique… Reste le chocolat, encore que celui qui se vend à l’étranger est rarement produit en Suisse... et les montres. Le tourisme helvétique exploite-t-il suffisamment le filon que constitue l’horlogerie? Ce secteur industriel qui, en termes de valeur, occupe plus de 50% du marché horloger mondial se prévaut de marques prestigieuses: Rolex, Omega, Longines, Patek Philippe, Audemars Piguet, pour ne citer qu’elles.
Comme en témoigne le nombre de magazines spécialisés, les amateurs de montres sont nombreux, avec un pouvoir d’achat élevé. Pourquoi ne pas les inciter à venir en Suisse visiter les nombreux musées horlogers, voire les manufactures elles-mêmes. N’y a-t-il pas là un créneau touristique à explorer? Certains amateurs se présentent d’ailleurs sans y être invités… On leur interdit l’entrée. Ils passent par la fenêtre! Ainsi, un fan de montres de luxe marseillais a réussi à faire main basse sur le prototype de celle de Schwarzenegger dans Terminator 3, ainsi que sur une soixantaine de modèles d’exposition du Musée Audemars Piguet, au Brassus. Durant les trois années de prison auxquelles il vient d’être condamné, il aura tout le loisir de méditer sur la pente dangereuse à quoi peut mener la passion des montres…
Heureusement, la quasi-totalité des visiteurs des musées horlogers ne viennent que pour admirer la beauté et la technicité des précieux garde-temps. La Suisse romande peut s’enorgueillir d’une brochette de lieux d’exposition: le Musée international d’horlogerie, à La Chaux-de-Fonds; le Musée d’horlogerie du Locle; l’Espace horloger de la Vallée de Joux, au Sentier; le Musée Atelier Audemars Piguet, au Brassus; le Musée Longines, à Saint-Imier; l’Espace paysan horloger, au Boéchet; la Maison Vacheron Constantin du Quai de l’Ile, à Genève; le Patek Philippe Museum, à Genève encore; sans oublier les collections d’horlogerie du Musée d’art et d’histoire, à Genève toujours.
Suisse Tourisme et les différents offices cantonaux du tourisme sont loin de négliger le potentiel horloger. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter leurs différents sites pour découvrir les visites guidées des manufactures Zenith, Corum, Alpina et Frederique Constant; les visites guidées «Genève berceau de la haute horlogerie»; le Sentier à thème de Saint-Imier; les initiations à l’assemblage d’un mouvement mécanique, entre autres choses. Une offre riche et variée existe. Ce dont on ne peut que se réjouir. Mais la connaît-on vraiment? N’y aurait-il pas lieu de la valoriser davantage, notamment dans le cadre de la promotion touristique à l’étranger? Et ne serait-il pas opportun de mettre en place un circuit transcantonal, de Genève à Saint-Imier, en passant par la Vallée de Joux et La Chaux-de-Fonds, par exemple? Le Swiss made se vend dans le monde entier, que la montre soit produite à Bienne ou au Sentier. Peut-être les différents musées devraient-ils se coordonner et penser moins local et plus global.
Jean Pierre Pastori, journaliste et écrivain, est l'ancien directeur du château de Chillon et président de la Fondation Béjart Ballet Lausanne.
Laetitia Grandjean