La vitalité culturelle de La Chaux-de-Fonds impressionne avec une salle de musique plébiscitée par les virtuoses pour son acoustique et un festival des arts de la rue «La Plage de six pompes» reconnu internationalement. Mais aussi évidemment par le patrimoine horloger de La Chaux-de-Fonds et du Locle qui figure au patrimoine mondial de l’Unesco, depuis juin 2009. Pourtant, l’impact touristique reste marginal. Malgré les nombreux efforts consentis par Vincent Matthey, responsable Montagnes de Tourisme neuchâtelois, et toute son équipe. Alors on se réjouit que La Chaux-de-Fonds manifeste la première son intérêt à devenir en 2024 ou 2025 capitale culturelle suisse. Ce projet lancé en janvier 2017 par Daniel Rossellat, syndic de Nyon et président du Paléo Festival, s’inspire des capitales européennes de la culture et des expositions nationales. Les villes doivent disposer d’un budget d’exploitation de 10 millions de francs minimum. Auteur de l’étude du projet, le sociologue Mathias Rota signalait que ce type de programme fonctionne en Europe avec des retombées positives en termes d’image et d’attractivité touristique. «En Suisse, il y a sûrement des villes qui souffrent de leur image», commentait-il.
On ne peut mieux dire pour la région qui nous occupe.
En effet, l’actualité des Montagnes neuchâteloises se conjugue souvent par une stigmatisation médiatique plus ou moins méritée. La semaine dernière encore, l’exécutif de la Ville de La Chaux-de-Fonds, en lançant une opération de communication coûtant 90 000 francs et reposant sur un faux piratage électronique, vient de se faire tancer par les médias régionaux. Une ville prise dans la tourmente financière après un scandale de plus de dix millions, mettant en cause l’exécutif communal en 2015. Même si le classement semblait très discutable, on rappellera aussi que Le Locle fut classé entre 2005 et 2009 par le magazine suisse-alémanique Bilanz «comme la ville où il faisait le moins bon vivre».
Mais quelle autre ville suisse, de la taille de La Chaux-de-Fonds, a vu naître l’architecte Le Corbusier, Jenny Humbert Droz, figure marquante de la gauche européenne et pionnière du féminisme, le constructeur d’automobiles Louis Chevrolet et l’écrivain Blaise Cendrars? Les Montagnes neuchâteloises souffrent aussi d’un stupide clivage entre le Haut et le Bas du canton toujours vivace. Je suis né dans le Bas du canton, mais ma mère travaillait dans le Haut. J’ai appris très jeune à rencontrer ces bistrots où se mélangent agréablement patrons horlogers et ouvriers, à ne jamais céder à la caricature longtemps entretenue par les journaux de la région, L’Express de droite et L’Impartial de gauche. Ils fusionnent en 1996, mais les clivages politiques persistent notamment dans des votes régionalistes liés à l’avenir des hôpitaux ou des transports publics.
L’an dernier, étonné par la méconnaissance de mes collègues des beautés de La Chaux-de-Fonds, j’y ai emmené l’ensemble de la rédaction pour une journée de janvier inoubliable. Un jour blanc d’une grande intensité débuté à la Maison blanche de Le Corbusier et terminé à la ferme Droz-dit-Busset, bâtisse de 1590 rénovée et transformée en auberge en 2016. Symbole de son isolement comme de sa convivialité et de sa fierté, des acteurs importants de la ville tels Théo Huguenin-Elie, le conseiller communal, Edmond Charrière, l’ancien conservateur du musée des Beaux-Arts ou Corinna Weiss, directrice du QG, centre d’art contemporain dans les anciens abattoirs, se sont pliés en quatre pour nous accueillir. Mes collègues me parlent encore souvent de cette journée et certains y retournent avec plaisir. Ils pourront y découvrir les fresques somptueuses du crématoire ou le théâtre à l’italienne L’Heure bleue.
Je ne peux que me réjouir de la candidature de la Ville de La Chaux-de-Fonds et lui souhaiter de devenir la première capitale culturelle de Suisse. Parce qu’elle le vaut bien.