Depuis son origine, l’hôtellerie s’établit en lien entre les voyageurs et la communauté locale. Depuis 20 ans surtout pour augmenter les taux d’occupation le week-end de l’hôtellerie d’affaires ou optimiser la rentabilité des espaces de restauration. L’approche a ensuite été érigée en promesses marketing en réponse aux offres standardisées des chaînes et à l’industrialisation du secteur. Les hôtels comme lieux de vie et de rencontre.

En 2013 déjà, Tablet Hotels organisait le concours Rethink Hotels sur Jovoto, plateforme digitale de «la Valley» qui ambitionne humblement de révolutionner toutes les industries via l’innovation collaborative. L’objectif était de créer un concept d’hôtel pour la ville de New York qui rassemblerait les clients de l’hôtel et les résidents de la ville de façon imprévisible et inattendue. Le projet retenu: The Allotment, plaçait au cœur de l’expérience client un restaurant où l’on pouvait cuisiner avec les chefs ou partir en virée chez les producteurs et dans les jardins maraîchers des environs.

Ce qui finalement n’a pas vu le jour à New York a pris forme à St-Ouen en proche banlieue parisienne. En 2017, le MOB Hotel, ouvrait ses portes à quel­ques pas du marché aux puces. On y trouve des produits bios venus de coopératives agricoles, des pop-up stores dédiés aux créateurs indépendants et les jardins sont partagés avec le voisinage. L’espace de co-working est baptisé Kolkhozita, en référence à l’esprit communautaire qui inspire les lieux. Les franchisés aussi sont invités à rejoindre un mouvement coopératif dans le partage d’un état d’esprit. A voir ce qu’il en est des dividendes…

La réflexion n’est pas récente. En 2008, Mama Shelter inversait la proposition promulguant un art de vivre visionnaire: design, food et cool attitude. Un ­concept capable de faire venir dans le 20e arrondissement de Paris un public hétéroclite. Du businessman aux étudiants fauchés, des bobos aux artistes reconnus; on n'allait plus à l’hôtel pour sa localisation mais pour sa ­communauté, sa «crowd», sa «scène». ­Depuis Los Angeles, Rio… Derrière MOB, les mêmes ou pas loin; l’esprit coopératif ayant ses limites dans le monde des affaires. Son fondateur n’est autre qu’un des pionniers de Mama Shelter et a levé 150 millions d’euros pour continuer son développement. Loin donc la vague aspiration philanthropique et Re-Los Angeles. On le sait, la quête de sens est une aspiration profonde des Millennials et l’offre hôtelière cherche aujourd’hui à y répondre. L’hôtellerie du partage a néanmoins ses limites.

La véritable hôtellerie sociale reste un vrai tabou et un marché d’une toute autre nature. L’hébergement par les pouvoirs publics de personnes sans logement, immigrés pour la plupart, représentait en 2013 pour les hôteliers et les intermédiaires dans la seule Ile de France un marché de plus de 100 millions d’euros. A ce titre, notre industrie demeure un miroir riche d’enseignements sur ce qui se passe dans le monde.


Anouck Weiss est spécialiste en communication et en marketing hôtelier. Elle décode des phénomènes économiques et sociaux.