Tout au bout de l'estrade en bas, en compétition le même jour que la Suisse, un box de cuisine attire toutes les attentions, aimante les observateurs. Celui de l'équipe du Danemark, détentrice du Bocuse d'Or 2019. Suivie par une cohorte de médias nationaux et un photographe attentif aux moindres
gestes comme le prolongement du bras de l'équipe.
On s'attarde, on remarque d'abord les gestes très précis de Sebastian Holberg Svendsgaard, colosse tatoué qui débite des rondelles de betterave hyperfines à la vitesse de la lumière. Il détaille chaque geste à la commis de l'Institut Paul Bocuse afin qu'elle les répète après lui. Alors que le candidat Ronnie Vexøe Mortensen s'applique à étaler de la tomate au pinceau comme un test de Rorschach carmin.
Mais celui qui attire tous les regards et les observations reste Rasmus Kofoed, candidat le plus primé du Bocuse d'Or, à toutes les places du podium et déjà coach du dernier sacre. Ses gestes détendus de chef d'orchestre, sa façon de s'accrocher tranquillement au comptoir fascine. Le chef lyonnais Christophe Marguin commente: «Il est à l'aise ici comme dans la cuisine de son restaurant trois étoiles Geranium, il sait qu'il peut s'absenter dix minutes et que tout roule parfaitement comme il le désire. Les mecs s'amusent avec sérieux.»
Au Grand Prix Josef Favre à Martigny en 2019, Rasmus Kofoed nous expliquait sa vision ainsi: «Vous savez, j’ai consacré dix ans de ma vie à ne penser et à ne travailler que pour les concours. Je pense qu’on ne peut pas arriver au sommet autrement, il faut tout arrêter, quitter son job, pour se centrer uniquement là-dessus.»
Ale Mordasini dit aussi son admiration pour «le Roger Federer de la gastronomie mondiale; il prend la lumière tranquillement, toujours décontracté et tellement précis. Le travail de son équipe me fait penser à la pureté du design scandinave.» Mais cette équipe hors du commun bénéficie aussi des conseils du chef français vivant depuis longtemps au Danemark Francis Cardenau.
Cette fois-ci, les Danois finissent second.