Des milliards de francs échapperaient chaque année à l'économie suisse, démontre une récente étude de la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW). «Les producteurs et fournisseurs étrangers isolent leurs systèmes de distribution et imposent de fortes majorations de prix en Suisse», explique un communiqué de presse de l’association «Stop à l’îlot de cherté - pour des prix équitables». L’initiative populaire sera examinée le 9 mars prochain par le Conseil national.
Un manque à gagner de 3,3 milliards
Afin de souligner la pertinence de ses revendications, l’association «Stop à l’îlot de cherté - pour des prix équitables» a demandé à la FHNW de réaliser une étude dirigée par le professeur Mathias Binswanger. L'équipe de projet a analysé les différences de prix entre la Suisse et l'étranger, en mettant l'accent sur les secteurs de la santé publique, de la gastronomie, de la recherche et de la formation, ainsi que certains biens de consommation.
Conclusion de cette étude: les acheteurs suisses paient nettement plus que les acheteurs étrangers. Rien que dans les domaines analysés, 3,33 milliards de francs échappent chaque année à l'économie suisse. Pour le consommateur, cela reviendra à des économies d’au moins 280 francs par an, estiment les défenseurs de l’initiative.
En cause, les producteurs et les fournisseurs étrangers qui refusent d’approvisionner directement les acheteurs en Suisse. Ils les renvoient vers des filiales ou des sites Internet suisses qui perçoivent des prix majorés. «Les acheteurs en Suisse n'ont souvent aucune alternative. Non seulement les PME, les artisans ou les hôpitaux, mais aussi les consommateurs sont contraints de payer une surtaxe pour les biens et services importés en Suisse», estiment les défenseurs de l’association.
L'hôtellerie-restauration pénalisée
Les PME et l'artisanat suisses, au même titre que l'hôtellerie et la restauration, subissent notamment ces prix majorés. «Chaque année, l'hôtellerie-restauration paie ainsi environ 290 millions de francs en trop pour des appareils, des instruments de travail et des boissons non alcoolisées. A cela viennent s'ajouter d'autres produits importés qui n'ont pas été pris en compte par l'étude», relève le communiqué de presse. Casimir Platzer, président de GastroSuisse, en est convaincu: «Les surtaxes inéquitables appliquées en Suisse discriminent les établissements du pays par rapport à leur concurrence étrangère. En Suisse, les établissements d'hôtellerie et de restauration ainsi que la totalité de la place touristique en pâtissent.»
Vêtements 20% plus chers qu'en Allemagne
Les hôpitaux font également face à des surcoûts élevés. Selon l'étude de la FHNW, le potentiel d'économie s'élèverait dans ce secteur à 600 millions de francs par an. «Les prix surfaits rendent la santé publique plus chère et augmentent les primes», explique Rolf Zehnder, directeur de l'hôpital cantonal de Winterthour (KSW). L'hôpital a examiné les prix de plus de 1500 biens de consommation médicaux différents. En moyenne, les prix en Suisse sont plus d'un tiers plus élevés que dans les pays voisins. Pareil constat pour les biens de consommation. En Suisse, les vêtements seraient en moyenne 20% plus chers qu'en Allemagne. «En extrapolant les chiffres, le constat est clair: uniquement pour les vêtements, ce sont 1,9 milliard de francs par an qui échappent à la Suisse. En ce qui concerne les produits de soin du corps et du visage, le potentiel d'économie annuel s'élève à 292 millions de francs, pour les parfums à 149 millions et pour les couches et les aliments pour bébés à 78 millions de francs», indique l’étude.
Pour les défenseurs de l’initiative, cette étude ne met en lumière qu’«une petite partie des biens concernés». «Je pars du principe que le préjudice économique total est de l'ordre de 15 milliards de francs par an», estime Rudolf Strahm. Pour Mathias Binswanger, professeur d'économie à la FHNW, renchérit: «Les entreprises, les établissements publics et les consommateurs doivent pouvoir acheter à l'étranger aux prix du marché local et exploiter le potentiel d'économie individuel». (htr/lg)