Le voici, le voilà, le buzzword du monde du voyage et du tourisme de l’été, la dernière tendance des analystes initiés: le «Revenge Tourism», autrement dit la vengeance par le voyage. Relégués aux oubliettes le «bleisure travel» ou les «staycations». C’est acté: en 2022, nous ne voyageons plus par plaisir mais par vengeance. Mais que c’est méchant!
Soyons sérieux, cela semble une motivation improbable et difficile de mise en œuvre que de se venger d'une destination. Vécu comme une vengeance contre la pandémie, voyager est devenu un acte libérateur. A l’heure où les premiers bilans du secteur se publient, un focus sur ce sujet torride s’impose.
Quel est l’impact de ce «ah enfin!» sur le secteur? Selon les données d'Eurocontrol, organisme européen de sécurité de la navigation aérienne qui fait état du trafic quotidien sur le continent européen, pendant les 16 premiers jours d’août, le trafic réseau est à 88% des niveaux de 2019. Certains pays connaissent par rapport à 2019 une hausse du trafic aérien, notamment la Grèce avec une augmentation de 7% sur début août et plus de 45% sur la même période pour l’Albanie et l’Arménie.
Les hôteliers corroborent: «Les Américains sont de retour», murmurent toutes les lèvres des palaces parisiens. Le magazine suisse Bilan titrait quant à lui il y a quelques jours «Les touristes américains font leur grand retour à Genève». Dans le même article, l'Hôtel des Bergues affichait un insolent 78% de taux d’occupation, une croissance de 302% pour les clients des Etats-Unis et de 148% pour les pays du Golfe. Très certainement une caractéristique du segment du luxe car les touristes étrangers ont été plus nombreux à séjourner en Suisse cet été, d'après les estimations fournies par l'Office fédéral de la statistique. Le niveau des nuitées hôtelières reste toutefois inférieur à celui de 2019, à hauteur de 15% en ce qui concerne le mois de juillet.
Selon le dernier Baromètre du tourisme mondial de l’OMT, le tourisme international a connu un fort rebond durant les cinq premiers mois de l’année 2022, enregistrant près de 250 millions d'arrivées internationales. Le secteur a ainsi récupéré près de la moitié (46%) des niveaux d'avant la pandémie de 2019. L'Europe a accueilli plus de quatre fois plus d'arrivées internationales qu'au cours des cinq premiers mois de 2021 (+350%), stimulées par une forte demande intrarégionale et la levée de toutes les restrictions de voyage dans un nombre croissant de pays. Dans les Amériques, les arrivées ont plus que doublé (+112%). Malgré la forte croissance que connaissent le Moyen-Orient (+157%) et l’Afrique (+156%), leur niveau reste inférieur de respectivement 54% et 50% par rapport à celui de 2019. Pour l'Asie et le Pacifique, les chiffres restent à 90% inférieurs à 2019, certaines frontières étant restées fermées aux voyages non essentiels.
Force est de constater qu’avec le «Revenge Tourism» peuvent s’envoler au sens propre comme au figuré les enjeux du bilan carbone. La compagnie Etihad Airways nous promet néanmoins de transformer le futur de l’aviation et d’avoir besoin de notre aide pour parrainer un arbre dans la mangrove de la compagnie. L'agence de voyage française «Voyageurs du Monde» garantit désormais à l’ensemble de ses voyageurs une empreinte 100% carbone neutre grâce à de grands projets de reforestation à travers le monde.
Aborder le rebond du tourisme en laissant de côté les enjeux climatiques équivaut à contredire tous les grands plaidoyers formulés pendant la crise sur l’opportunité de voyager autrement. Gageons que nous saurons mettre en œuvre nos sages réflexions des confinements.
Anouck Weiss est Chief Communication Officer de Sommet Education Group et spécialiste en marketing hôtelier.