La compagnie MOB aime les exclusivités et les défis. Pour sa première course d’essai le 28 novembre avant l’ouverture officielle de la ligne le 11 décembre, le Golden Pass Express proposait en partenariat avec les vins de Lavaux Testuz, du groupe Schenk, un repas gastronomique avec nappes blanches et couverts préparé par le chef Stéphane Décotterd, de la Maison Décotterd, à l’école hôtelière de Glion. En 1902, déjà elle innovait en proposant des wagons première classe, en exclusivité Suisse et s’équipait déjà d’un wagon restaurant. Une offre avec des produits du terroir, notamment du caviar de Frutigen, localité traversée par le convoi, pourra se réserver en ligne pour toutes les courses de la nouvelle ligne.
Mais le repas préparé par Stéphane Décotterd, restait un défi de taille puisque le wagon ne propose qu’une plaque à induction qui le situe bien loin des fastes de l’Orient-Express où officie désormais le chef français Jean Imbert. Pour Stéphane Décotterd, il fallait aussi gérer les mouvements du wagon et des passagers, malgré tout le luxe de cette nouvelle classe prestige. Il s’agissait d’une vraie proposition gastronomique avec bouchées apéritives, deux entrées, un plat et un dessert.
Le plat végétal méli-melo de racines de persil, avec des champignons agarics, une généreuse râpée de truffes du nord vaudois, une douce émulsion d’Etivaz et des noisettes de Séry impressionne. Tant par son montage incroyable, comme un chapeau d’épluchures en beau contraste noir blanc, que par l’ampleur de ses goûts. On regrette juste la petite coque en pâte qui enveloppe tout le plat, cette proposition gagnerait encore en complexité avec une coque végétale. Un plat comme une photographie des paysages tumultueux que l’on traverse.
Le dessert du talentueux pâtissier Christoph Loeffel emmène loin. Il revisite l’idée du pain perdu, avec un somptueux pudding de pain grillé et des raisins secs gorgés de rhum, sa glace à la levure boulangère et son caramel à la fleur de sel de Bex impressionnent par leur longueur en bouche sans jamais écœurer par trop de sucre.
Ces deux propositions de ce repas expérimental pourraient, avec des recettes simplifiées, devenir des marqueurs de goût, des madeleines de Proust de ce trajet Montreux-Interlaken. Pas si impossible que cela si on songe au velouté de tomate et la fricassée de poulet aux olives de Philippe Rochat mitonnés pour une action ponctuelle par la traiteur événementiel RSH, en 2005 dans 90 wagons CFF, mais le voyageur devait tout de même débourser entre 400 et 500 francs.
Revenons à Stéphane Décotterd: son mignon de veau du Seeland paraît un brin trop ambitieux, notamment dans sa cuisson, mais personne ne peut blâmer le chef de prendre des risques. Pour les vins Testuz et son directeur Daniel Dufaux, il vient aussi de concevoir une table d’hôtes pour six à huit personnes au milieu des vignes.
La marque Testuz possède une presque exclusivité sur le Golden Pass Express et proposera ses millésimes 2020 et 2021 sur toutes les courses. Seul un champagne Duval-Leroy réclamé par la clientèle chinoise et japonaise subsiste à la carte.
Dans le voyage test, Testuz proposait aussi certains vieux millésimes notamment son Dézaley Grand Cru 1994, avec sa bouche de miel, de pignon de pin, ce long palais gras et cette fin de bouche rappelant le popcorn. Là-aussi faire découvrir de tels curiosités ponctuellement dans un train touristique pourrait contribuer à faire rêver les touristes.
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