Olivier Roellinger, quelle estvotre position personnelle surles OGM? En rappelant qu’en2008 vous faisiez partie des200 chefs et vignerons françaissignataires d’un texte contreleur usage.
A l’époque, j’avais partagé lacrainte de nombreux producteursquant à la maîtrise de cestechniques. Que l’on soit clair,je continue à pourchasser tousles obscurantismes et soutiensla recherche en laboratoire,aussi dans le domaine végétal.Mais je m’oppose au fait delancer ces techniques dans lanature tant que l’on ne nousaura pas prouvé qu’il s’agitd’une industrie vitale. Pourl’heure nous ne disposonsd’aucune garantie par rapportaux expertises, souvent contradictoireset intimement liéesaux groupes industriels intéressés.Cela me rappelle lorsquel’on poinçonnait l’argenterie, onvoulait marquer l’appartenanced’une fourchette lorsqu’ellepasse de mains en mains. Pourmoi le vivant ne sera jamais uneindustrie et ne peut appartenirà personne.
Les discours, portant sur lessolutions des OGM, pournourrir la planète ne voustouchent-ils pas?
Quel culot! Vouloir nous fairecroire que cela passe par desfruits et légumes plus grosvenant de cette production.Tout le monde sait qu’il s’agitd’un problème de gaspillage etde répartition de la nourriture àtravers le monde. Le vraiscandale c’est d’avoir laissé noschamps se faire recouvrir defongicides et d’herbicides.Remplacer les prairies par del’ensilage intensif de champ demaïs n’est pas une solution, ilfaut laisser chaque producteurretrouver son trèfle, sa luzerne.Comme leurs ancêtres qui ontplanté leur variété de riz, depommes de terre, d’haricots, ilssauront s’adapter.
L’engagement politique deschefs vous semble-t-il central?
De nous tous, on ne peut pas,on ne doit pas laisser lapolitique aux politicards.L’alimentation est un enjeusociétal majeur, essentiel entermes de santé publique, on nepeut pas ingérer n’importe quoi.Nos anciens ne s’alimententplus et nos enfants se laissentécraser par le rouleau compresseurdu sel-sucre-gras, sipratique pour l’industrie agroalimentairequi, en ajoutant destexturants et des arômes desynthèses, fabrique tous lesplats possibles. Pendant laCOP 21, on effleure les questionsliées à l’alimentation alorsqu’elles restent capitales etque le transport, la productiondes aliments, en tenant comptede frigos, produit 40% de lapollution mondiale.
Pourtant vous revendiquezaussi une liberté de cuisinierouvert sur le monde et doncparticipez au commercemondial?
En 2008, j’ai dû renoncer à mestrois étoiles Michelin pour desproblèmes de santé, me suistourné vers l’humanitaire. Mescopains me disaient: commentexpliques-tu que les marchandsd’épices doivent brader leurbeauté au prix du caillou. Avecma femme, puis mon fils, nousnous battons pour les oubliés dela planète. Nous avons rencontré1200 producteurs en Inde, àMadagascar, au Cambodge, auMexique. Nous travaillons avecdeux ONG locales sur les principesdu commerce équitable.Cela afin de préparer un mélanged’épices à la française.
Vous admirez le chef péruvienGastón Acurio… Pourquoi?
Il a su révéler la cuisine desrégions du Pérou et de sesproducteurs. Aujourd’hui on nepense plus à ce pays uniquementà travers ses flûtes de Panet son Machu Picchu, mais aussipour son fantastique héritagegastronomique. Son premierrestaurant se nommait HauteCuisine et s’adressait aux richesaméricains et à la bourgeoisiede son pays, son évolution estmerveilleuse.
Vous aimez parler d’uneouverture sur le monde liée àSaint-Malo…
Je viens du pays des étonnantsvoyageurs comme le qualifiemon ami Michel Le Bris et del’esprit d’or de François-René deChâteaubriand. Je suis baignépar les sortilèges du Mont Saint-Michel, les croyances celtes dela fée Vivianne, notre horizonreste celui des marins dansl’âme. Les autres cultures sontsolubles dans la nôtre. Pensez àla porcelaine, à la scierie, autissage, au café, au cacao, àl’indigo. Au 17e siècle ontrouvait quatorze épices dansles murs de Saint-Malo alorsqu’on n’avait pas encoreinventé le chronomètre.