La Suisse, pays des montres et du chocolat. L’image est terriblement réductrice, mais, aujourd’hui comme hier, elle fait florès. C’est que les clichés ont la vie dure. Directeur de Présence Suisse, Nicolas Bideau nous le confirme: «Différentes études dont celles menées par Présence Suisse montrent que c’est l’un des produits les plus fortement associés à notre pays par le grand public à l’étranger. D’après notre dernier sondage mené fin 2018 auprès de la population de 19 pays, le chocolat est ce qui vient en premier à l’esprit juste après les montagnes. Dans certains pays (Brésil, France, Afrique du Sud), le chocolat arrive même en première position. C’est dire l’impact sur la perception de la Suisse de ce produit fort en émotions, et ce dans des pays éloignés comme auprès de nos voisins avec qui nous discutons pourtant de dossiers parfois moins digestes.»
De grandes marques comme Cailler, à Broc, de plus petites comme Camille Bloch, à Courtelary, ou Maestrani, à Flawil, font tout un travail de promotion de l’excellence helvétique. Leurs parcours interactifs qui drainent des centaines de milliers de touristes éveillent les palais aux subtilités des spécialités… A l’aéroport de Genève, elles se présentent même sous une unique enseigne, Swiss Chocolate Avenue. Face à la clientèle de passage, l’union fait évidemment la force. Offrir à la vente sous un même toit, aussi bien Favarger que Goldkenn, Lindt que Cailler, témoigne de la diversité et de la variété de la production industrielle helvétique. Ce dont on ne peut que se réjouir.
Mais le chocolat suisse exporté est-il toujours à la hauteur de sa réputation? Le doute est autorisé lorsque l’on constate que les tablettes de Lindt vendues en Allemagne sont produites en Allemagne… et que celles qui sont vendues en France sont produites en France, voire en Italie… Autant dire loin des pâturages qui ont fait le renom de notre chocolat au lait. Les horlogers soumis, eux, aux normes strictes du Swissmade ne peuvent se permettre d’externaliser leur production!
Quant au chocolat haut de gamme, les fleurons sont français et surtout belges. Certes, le zurichois Teuscher a développé tout un réseau de boutiques, d’Abou Dhabi à San Francisco. Le Chocolatier du Rhône n’est pas en reste avec des représentations à New York comme à Taipeh. Sprüngli, lui, se concentre sur la Suisse et sur les Emirats arabes unis. Mais, que l’on me pardonne, aussi goûteuses soient-elles, ces marques n’ont pas la notoriété internationale d’un Jeff de Bruges ou d’une Godiva dont les réseaux de distribution sont autrement plus étendus. Avec ses 500 et quelques franchisés pour le premier et ses quelque 4000 points de vente pour la seconde, le chocolat belge, souvent noir, s’est imposé dans le monde entier.
Cette situation ne semble pas troubler Nicolas Bideau. «La marque chocolat suisse est très forte. Je pense qu’elle joue dans des segments différents de nos amis belges ou français. Un bon et simple chocolat au lait suisse est une recette qui marche encore.»
Tant mieux! Mais pour combien de temps?
Jean Pierre Pastori est journaliste et écrivain. Ancien directeur du Château de Chillon et président de la Fondation Béjart Ballet Lausanne.