L’intelligence artificielle (IA) me passionne depuis trente ans. Jamais la question de savoir quand l’utiliser et quand s’en abstenir ne m’a été posée aussi souvent que depuis l’arrivée de ChatGPT. Des robots de cuisine capables de préparer des repas aux chats assistant le backoffice pour répondre aux courriels des hôtes, les applications de l’IA semblent infinies. Cependant, il me paraît essentiel de nous pencher sur les questions éthiques pour identifier les moments où il est préférable de ne pas les utiliser.
Considérons d’abord le temps. Utiliser l’IA pour déléguer des tâches et gagner du temps peut paraître alléchant. Mais cela représente également une substitution discutable: chaque tâche mérite en soi une attention particulière, ainsi que le temps nécessaire pour mûrir et être exécutée correctement. Par exemple, se servir de l’IA pour répondre à cent courriels d’hôtes quotidiens peut sembler une bonne idée. Mais si je n’ai à la base pas le temps de répondre à ces courriels par moi-même, l’IA ne fera que masquer cette insuffisance.
En investissant du temps pour la demande d’un hôte, je m’assure personnellement de la qualité et de la pertinence des réponses apportées. Ainsi j’évite un potentiel appauvrissement de la relation par manque d’attention et de compréhension. Le temps que l’IA me fait gagner pour une tâche devrait par conséquent être réinvesti pour améliorer la qualité de ce qu’elle produit. Plutôt que de produire plus et encore plus. Quand je n’ai pas le temps de faire quelque chose, je n’ai pas de temps à perdre avec l’IA.
Si je ne peux pas me fier à mes propres compétences, je peux encore moins faire confiance à l’IA
Ensuite, la question des compétences est centrale. Utiliser l’IA sans avoir les compétences nécessaires pour comprendre et vérifier ce qu’elle produit est risqué. Par exemple, faire préparer un plat par un robot de cuisine quand je ne sais pas cuisiner peut prendre des dimensions irresponsables. Si je ne peux pas me fier à mes propres compétences, je peux encore moins faire confiance à l’IA. Quand je ne sais pas ce que l’IA produit, je ne l’utilise pas.
Enfin, chaque recours à l’IA pose la question écologique. Le besoin énergétique des systèmes de web conversationnel, à l’image de ChatGPT, est inimaginable. Pour l’instant on n’en parle que très peu. Il est invraisemblable que ces technologies puissent augmenter en puissance sans un impact conséquent sur leur consommation énergétique. En gardant le contrôle et en limitant l’utilisation de l’IA aux situations où elle est appropriée, je peux activement réduire mon empreinte écologique. Quand je n’ai pas besoin de l’IA, je ne l’utilise pas.
Le temps, les compétences et l’énergie sont trois arguments à considérer avant de me faire accompagner par l’IA. En tant qu’utilisateur responsable, je devrais évaluer chaque situation, en gardant à l’esprit les implications plus larges de cette technologie. Hélas, cette tâche devient elle-même colossale. Dans le doute, je m’abstiens d’utiliser l’IA.
Expert en tourisme, Thomas Steiner est CEO d’Immotour Sàrl, professeur à la HES-SO Valais et membre du comité de Suisse Tourisme.