Elisabeth Vallet, directrice d’Ethic Ocean, pouvez-vous nous donner un exemple d’une espèce que la mobilisation des chefs de cuisine a permis de sauver?
Le thon rouge de l’Atlantique Est et de la Méditerranée a été victime de surpêche et de pêche illégale pendant de nombreuses années. Ce stock était très proche de l’effondrement il y a une dizaine d'années. A la suite d'une forte mobilisation, des mesures de gestion drastiques ont été mises en place et ont permis d’améliorer l’état du stock.
Des restaurateurs arrêtent-ils de servir certains produits?
Oui, on peut citer l’exemple récent du tourteau dont la population est dégradée et qui est en situation de surpêche. Il a été remplacé sur plusieurs tables, notamment sur celles de la brasserie parisienne La Lorraine, par l’araignée de mer dont les populations se portent bien. Il y a urgence, il faut modifier nos modes de consommation.
Un restaurant peut expliquer le choix des espèces présentes sur son menu
Peut-on donner des indications au consommateur sur la carte d’un restaurant?
Il peut être intéressant pour un restaurant d’expliquer au consommateur le choix des espèces présentes sur le menu: d’où proviennent-elles? Le stock est-il durable? Comment ont-elles été capturées ou élevées pour les produits d’aquaculture. Le chef peut indiquer, s’il le souhaite, qu’il suit les recommandations du Guide des espèces d’Ethic Ocean. Par contre, des indications comme pêche du jour ou petite pêche ne donnent pas d’information sur la durabilité du poisson que le client consomme. [RELATED]
Quelles espèces sont particulièrement fragilisées aujourd’hui ?
L’anguille européenne dont les stocks sont effondrés à cause de la surpêche, de la pêche illégale et de la pollution. Après une nouvelle alerte des scientifiques fin 2022, la Commission européenne a proposé la suspension de la pêche à la civelle pour l’année 2023. Malheureusement, les ministres de la pêche des pays de l’UE ont voulu maintenir cette activité. L’anguille et la civelle restent très prisées en Belgique et en Espagne. Beaucoup sont exportées vers l’Asie où elles sont vendues à des prix très élevés. La situation du cabillaud reste aussi problématique. A ce jour, seul le stock norvégien est durable. Les populations proches de nos côtes sont effondrées.