Vous ne verrez pas son visage. Ralf Flinkenflügel souhaite conserver l’anonymat. Normal, le directeur du guide Michelin pour l’Allemagne et la Suisse est également inspecteur. En tant qu’expert, il parcourt le monde entier pour tester les meilleurs restaurants internationaux. Sorti d’une école hôtelière, l’homme a suivi une formation de directeur d'hôtel. Il a travaillé dans le secteur de la restauration pendant plus de dix ans avant de rejoindre le groupe Michelin. Pour lui, devenir inspecteur a toujours été un rêve. Aujourd’hui, il forme de jeunes candidats qui, comme lui, noteront l’excellence.
Quelles compétences faut-il avoir pour devenir inspecteur?
Nous travaillons uniquement avec des experts disposant d’une formation approfondie dans les meilleurs établissements de la gastronomie et de l'hôtellerie internationale. Ils possèdent de grandes connaissances de la table, ils sont curieux envers les cuisines du monde entier et aptes à voyager en tout temps. La plupart des inspecteurs sont sur la route jusqu'à 28 semaines par année.
Comment sélectionnent-ils les restaurants, quels sont leurs critères?
Michelin a défini au total cinq critères d'attribution des étoiles, identiques dans le monde entier: la qualité et la fraîcheur des produits, la préparation professionnelle, le goût des plats, la touche personnelle de la cuisine et le prix. Lors des tests, nos inspecteurs agissent comme des clients normaux du restaurant et restent anonymes. La décision finale concernant l'attribution des étoiles est toujours le résultat de plusieurs repas pris par différents testeurs. Cela garantit la fiabilité et l’objectivité du prix.
La fameuse étoile verte, Green Star, a été décernée pour la première fois en Allemagne en 2020. En quoi consiste-t-elle?
L'étoile verte récompense les maisons qui font preuve d'un engagement particulier en faveur du développement durable. Par exemple, la saisonnalité et la régionalité des produits jouent un rôle clé, tout comme le recyclage des déchets alimentaires ou la gestion des ressources du restaurant. En Suisse, l’année dernière, on note 138 restaurants qui possèdent une ou plusieurs étoiles Michelin et 29 restaurants qui ont reçu une étoile verte. La majorité des maisons récompensées par une étoile verte se trouvent en Suisse alémanique.
La cuisine en Suisse a-t-elle beaucoup changé ces dernières années?
Un développement important de la cuisine suisse a été observé ces dernières années. Cela se reflète surtout dans l'augmentation constante du nombre de restaurants primés. De nombreux jeunes chefs, très bien formés, redynamisent la gastronomie suisse, que je qualifierais de plurielle. Il est intéressant de constater qu'il existe de grandes différences de style. Cela signifie qu'il n'existe pas de cuisine universelle, mais plutôt une grande variété.
Le guide Michelin attribue-t-il plus d'étoiles qu'avant?
On peut clairement affirmer qu'il n'y a pas de tendance à la baisse, notamment en Suisse. Cela est dû entre autres à ces jeunes restaurateurs qui revitalisent la gastronomie suisse, expérimentent et ont le courage de faire preuve de curiosité culinaire.
Où se situe la Suisse dans la comparaison mondiale?
Dans une comparaison internationale et en ce qui concerne les «étoiles Michelin par habitant», la Suisse se situe assez haut. Je pense que cela en dit long sur les normes culinaires du pays.
De jeunes chefs très bien formésredynamisent une gastronomie plurielle.
La Suisse a-t-elle une saveur particulière à ajouter à la scène alimentaire mondiale?
La gastronomie suisse brille avant tout par sa diversité. Jetez par exemple un œil au Tessin, qui se caractérise par des influences italiennes – tandis que la Suisse romande, par exemple, se caractérise par sa cuisine française. Heureusement, la Suisse est très diversifiée, je ne lui attribuerais donc pas un goût uniforme.
Comment expliquez-vous le succès du guide Michelin depuis tant d’années? A-t-il beaucoup changé?
Le guide Michelin est devenu une véritable autorité sur la scène gastronomique au cours des 123 dernières années et est heureusement très respecté au sein de l'industrie. Cela est principalement dû au fait que les cuisiniers apprécient le travail des inspecteurs et savent avec quel sérieux tout cela est traité. Les normes de qualité élevées et la recherche constante de perfection et d'innovation caractérisent le guide Michelin, qui a toujours permis d'embaucher des spécialistes hautement qualifiés pour effectuer des tests afin de garantir un niveau approprié. Nous essayons toujours de réagir aux changements et aux évolutions du secteur de la restauration, cela est très apprécié.
Cérémonie des étoiles
L’École hôtelière et le Michelin, histoire d'un duo gagnant
Pour la cérémonie du guide Michelin Suisse, lundi dernier, l’Ecole hôtelière de Lausanne a mis les petits plats dans les grands. Tout le monde était mobilisé pour cette journée marathon placée sous le signe des étoiles. «Annonce des nominés, cocktail et dîner de gala se préparent dans des conditions de haut vol, souligne Philippe Gobet, Meilleur Ouvrier de France et ambassadeur de l’Excellence. Avec son infrastructure adéquate, ses grands espaces, son parking, ses salles de conférences, notre école se prête idéalement à ce genre d’événement. Accueil, savoir-faire et qualité sont ici au rendez-vous.»
Dans les tons rouges, couleur du guide, la cérémonie a forcément réuni les hauts dirigeants des deux entités, Tanguy Léon-Pflieger, directeur Michelin Suisse, ainsi que Gwendal Poullennec, directeur international des guides gastronomiques Michelin. Etonnamment, ce dernier est intervenu en visioconférence. Du côté de l’EHL, ce sont Carole Ackermann, présidente du conseil d'administration, et Patrick Ogheard, associate dean – Practical Arts qui ont ouvert les festivités. Que du beau monde, de belles paroles, des chefs heureux et des discours de circonstance.
Après les mignardises et les recettes préparées devant les hôtes dans le grand hall, la soirée a réuni 400 personnes pour le repas de gala.
«Tout a été pensé jusque dans les moindres détails, reprend Philippe Gobet. Il faut mettre et dresser les tables, repasser les nappes, les jeunes servent ou travaillent en cuisine sous la houlette de leurs professeurs. Pour eux, c’est une vraie expérience. Demain, quand ils seront directeurs ou managers d’un grand hôtel, qu’ils auront d’importantes réceptions à organiser, ce vécu leur sera utile.»
Après Lucerne et Lugano, l’EHL reçoit Michelin pour la deuxième année consécutive. «C’est un honneur, sourit Philippe Gobet. Si tout le monde est content, on peut envisager de poursuivre ce partenariat.» Voilà qui est dit.
Isabelle Bratschi