Le Berceau des Sens de l’EHL Hospitality Business School, restaurant d’application étoilé affichant 16 points GaultMillau, change de cap avec l’arrivée de la cheffe de 30 ans Lucrèce Lacchio. Elle succède à Cédric Bourassin et une brochette de Meilleurs Ouvriers de France tels que Dominique Toulousy et Christophe Pacheco. Lucrèce Lacchio, après douze ans d’expérience en tant que professionnelle, «aime les dressages tirés à quatre épingles, jamais à l’à-peu-près, avec de beaux produits à l’honneur, comme un céleri boule entier».

Lucrèce Lacchio n’arrive pas en terrain inconnu, même si en 2022, lorsqu’elle vient à l’EHL recevoir la confirmation de l’étoile Michelin pour Le Flacon, à Carouge, elle ne pense jamais reprendre le restaurant d’application de l’institution académique une année après. Un sacré défi, avec trois services par jour, du petit déjeuner au dîner, à la tête d’une brigade de 10 professionnels et entourée par une vingtaine d’étudiants par jour, en cuisine et en salle, qui restent seulement une à deux semaines au restaurant: «Ils apprennent au préalable les produits, leurs origines ou encore certaines techniques via des cours en ligne et des vidéos avant de mettre réellement la main à la pâte en cuisine ou au service.»

Mais comment va évoluer l’élégante cuisine du Berceau des Sens, vers quels goûts Lucrèce Lacchio va-t-elle l’orienter? Elle répond avec un brin de malice: «J’aime utiliser les fruits comme condiments, à la manière d’une sauce soja.» Elle prépare des consommés, des chutneys, des eaux de fruits. Pour elle, le fruit comme marque de fabrique peut aussi se décliner «en espuma, râpé, en sauce, surgelé». Pour arriver à des mélanges détonants: «Gambas et litchis, tartare de bœuf et fraise.»

J'apprécie les dressages tirés à quatre épingles avec de beaux produits.
Lucrèce Lacchio, Cheffe du restaurant le Berceau des Sens

Elle qui ne mange pas de sucre aime ces petites notes qui jouent une partition entre le sucré et l’acidité, comme ce que peut amener de la rhubarbe en accompagnement d’un poisson cru. Une cuisine qu’elle veut «très fraîche, très colorée et intuitive». Cédric Bourassin, influencé par son expérience japonaise, pouvait défendre une cuisine raffinée aux notes asiatiques. Lucrèce Lacchio penche plutôt vers des alliages de couleurs et de goûts, du vert avec du noir et une touche de rouge, «et pourquoi ne pas partir sur un poireau à la réglisse?».

La Française se réjouit de pouvoir échanger sur les goûts et les saveurs avec les étudiants de l’EHL de plus de 125 nationalités. Elle utilise régulièrement la technique du sous-vide qui permet de conserver les saveurs et privilégie les poissons cuits à basse température. Elle aime les intitulés de plats simples mais efficaces, «œuf, raisin, navet» sonne parfaitement. Avec ses équipes, lorsqu’elle parle d’un plat, c’est simple: «raviole de lièvre, carotte, fleur d’oranger». Et ponctue le propos par «ça vous dit?» et décortique ensuite un à un les éléments comme dans cette entrée «courge, moutarde, persil».

Au chapitre de ses admirations, elle parle des plats du cuisinier grison Andreas Caminada: «Ils sont en toute simplicité et en finesse. J’ai dégusté dans son restaurant un maquereau trop bon. J’aime ses visuels, le style de ses plats sans chichi, c’est net et précis.»

Elle apprécie aussi la philosophie du Flamel, à Lugano, qui mélange les codes de la mixologie et ceux du bistrot. Mais elle amènera ses idées doucement: «Chaque chose en son temps.»