Grand jour hier pour Rasmus Kofoed, au Bocuse d’Or Monde à Lyon. Il repart avec le titre 2019, comme coach de l’équipe danoise, emmenée par le jeune chef Kenneth Toft-Hansen. Rasmus Kofoed continue à écrire son histoire hors norme de cuisinier le plus titré de l’histoire du Bocuse d’or. En tant que candidat, il remporta l’or en 2011, l’argent en 2007 et le bronze en 2005 et en tant que coach du Bocuse d’Or Europe l’an dernier. Un véritable phénomène de la gastronomie mondiale triplement étoilé au restaurant Geranium, à Copenhague, depuis 2016.
«Il faut tout arrêter, quitter son job.»
En fin d’année dernière, au prix Joseph Favre, à Martigny, on rencontrait un homme décontracté et déterminé ressemblant à l’épure efficace des plus grands designers danois. On lui demandait sa recette pour un tel palmarès: «Vous savez, j’ai consacré dix ans de ma vie à ne penser et à ne travailler uniquement que pour les concours. Je pense qu’on ne peut pas arriver au sommet autrement, il faut tout arrêter, quitter son job, pour se centrer uniquement là-dessus.» Mais cela ne suffit pas... «Ensuite le Jour J, il s’agit surtout de confiance en soi, de se connaître parfaitement en tant qu’être humain, de maîtriser son mental. Aujourd’hui je ne pratique plus la compétition, mais je développe mon restaurant dans le même esprit et, depuis six ans, tente de transmettre mon savoir à l’équipe nationale du Danemark.»
Quand on l’écoute et connaît les conditions de préparation des candidats suisses - qui continuent à travailler dans des restaurants alors que les pays nordiques permettent en effet aux leurs de se consacrer entièrement au concours - on a envie de saluer l’exploit du lucernois Mario Garcia, cinquième cette année. D’ailleurs si Rasmus Kofoed vient pour la seconde fois participer au jury du prix Joseph Favre, c’est par amitié pour Franck Giovannini, classé troisième en 2011: «Un très bon ami, un grand chef, j’admirais ses assiettes en concours et je vois avec plaisir son évolution en tant que cuisinier à l’Hôtel de Ville de Crissier.» Et de ses seize ans de concours, si Rasmus Kofoed ne devait retenir qu’un plat: «Je parlerais de ma betterave en garniture de l’agneau en 2011. J’ai travaillé la plus belle bettrave biodynamique que je connaissais, on l’a cuite entière avec sa peau et du sel marin puis accompagnée d’une gelée au vieux vinaigre. J’étais très fier d’amener cette touche de cuisine saine et aigre douce tout en respectant les valeurs d’un concours assez traditionnel.»
Geranium ne veut pas devenier un musée
Aujourd’hui à Geranium, à Copenhague, avec sa brigade de 20 personnes pour 36 hôtes, il défend une cuisine bio et une inspiration qui reste toujours attentive à l’explosivité des saisons: «J’aime travailler l’intensité d’une pomme brune qui tombe toute seule de l’arbre, qui reste au sol un moment, je veux savoir comment elle tombe pour pouvoir l’infuser avec de la rhubarbe et travailler une glace avec ces souvenirs d’un flot naturel.» On lui demande ce qu’il pense de l’autre restaurant star de Copenhague, le Noma de René Redzepi: «J’adore l’image, la grande énergie, les nouvelles idées, la force de travail que le Noma véhicule et cela fait incontestablement du bien à la gastronomie danoise.» Mais Geranium fonctionne autrement? «Oui sur une grande intériorité, nous ne voudrions jamais devenir un institution, un musée. Je répète à mes équipes que je veux que nous continuions sans cesse à travailler le vivant de manière vivante. Si on lui demande quels saveurs de quel chef l’inspire encore: «Celle du chef belge Roger Souvereyns auprès de qui j’ai travaillé au Scholteshof. J’aime sa cuisine faite d’herbes et de fleurs.»
En repensant à cette rencontre aujourd’hui, on revoit Rasmus Kofoed boire un verre d’eau puis un verre de vin avec attention, concentration, délicatesse. Peut-être une forme d’élégance remarquée en concours.