La plupart des glaciers des Alpes suisses ont davantage fondu au cours des dernières décennies qu’à tout autre moment depuis le début des mesures, en raison de l’augmentation des températures et des canicules estivales, a indiqué mercredi l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), co-auteur de cette recherche avec l’EPF de Zurich et l’Université de Fribourg.
Dans de nombreux endroits, les glaciers représentent un enjeu économique, notamment dans les régions où ils sont importants pour le tourisme lié au ski, et leur retrait remet alors en question la rentabilité du domaine.
Le premier glacier de Suisse à être recouvert d’une bâche textile blanche fut le Gurschenfirn sur le Gemsstock au-dessus d’Andermatt (UR). Depuis 2004, il est protégé de la fin du printemps à l’automne, ce qui permet de maintenir une épaisseur de glace suffisante pour descendre à ski depuis l’arrivée des remontées mécaniques.
Les années suivantes, des glaciers ont été partiellement recouverts dans sept autres lieux des Alpes suisses, à des altitudes comprises entre 2250 et 3250 mètres. Un tout petit glacier sur la Diavolezza (GR), qui avait presque disparu, a même été ressuscité. En protégeant année après année la neige tombée en hiver pour lui faire passer l’été, on a réussi à obtenir une augmentation de l’épaisseur de glace.
Réduction de fonte de 60%
L’examen de photos aériennes a montré que les géotextiles couvrent aujourd’hui environ 0,18 km2, soit seulement 0,02% de la superficie totale des glaciers en Suisse. La fonte de la neige et de la glace est réduite de 60% sous les bâches blanches par rapport aux surfaces non protégées.
Dans toute la Suisse, cette technique a permis de préserver provisoirement jusqu’à 350'000 m2 de glace par an. En principe, cette mesure est donc un moyen efficace de garantir que les pistes de ski ou autres sites touristiques restent opérationnels localement pour un certain temps.
C'est le cas par exemple de la plus grande couverture (environ 50'000 m2) posée en Suisse, sur le glacier du Rhône, et qui devrait permettre de préserver le plus longtemps possible l’attraction touristique que représente la grotte de glace artificielle.
Coûts prohibitifs
L’étude a toutefois révélé que le coût d’un mètre cube de glace conservé artificiellement se situait en moyenne entre 0,60 et 7,90 francs par an au cours de la dernière décennie, selon le type de couverture et son emplacement sur le glacier.
Pour les auteurs, il n’est pas envisageable de réguler à notre bon vouloir le recul des glaciers en les recouvrant. Si une couverture locale peut être efficace et rentable, une intervention à plus grande échelle, c’est-à-dire le sauvetage complet de glaciers alpins, a peu de chances d’être réalisable ou abordable.
Un calcul hypothétique a montré qu’il en coûterait plus d’un milliard de francs par an pour recouvrir tous les glaciers suisses. Mais même cette approche ne ferait que ralentir leur déclin, sans l’éviter à longue échéance. Par ailleurs, la pose d’une couverture à grande échelle sur les glaciers aurait un impact majeur sur le paysage et l’environnement.
«La seule façon de limiter efficacement le recul des glaciers au niveau mondial est de réduire les émissions de gaz à effet de serre et donc le réchauffement de l’atmosphère», conclut Matthias Huss, directeur de l'étude, cité dans le communiqué. Ces travaux sont publiés dans la revue Cold Regions Science and Technology. (htr/axw)