Lors d’une récente présentation organisée à Bulle par l’Union fribourgeoise du tourisme, le CEO des CFF, Vincent Ducrot, a exposé la stratégie 2030 de la compagnie suisse qui, en 2022, a transporté 1,16 million de voyageurs par jour. Entre autres, les nouveaux systèmes de gestion des trains et la connexion entre gares et télécabines auront, à terme, un impact positif sur l'industrie du tourisme suisse, explique Vincent Ducrot dans cet entretien accordé à htr.
En tant qu'acteur majeur de la mobilité, de quelle manière les CFF peuvent-ils contribuer à améliorer l’offre touristique en Suisse?
Depuis le Covid, nous constatons un déplacement de la demande vers le trafic de loisirs, nous jouons donc un rôle de plus en plus important pour l'offre touristique. Nous pourrons l’améliorer en gagnant en flexibilité dans les horaires, afin de répondre à la demande ponctuelle des clients. C’est l’un de nos axes stratégiques prioritaires. Il faut aussi considérer la chaine de transports dans son ensemble. Lorsque l’on disposera de liaisons plaine-montagne efficaces, comme par exemple avec des télécabines, à l’image de ce qui se fait en Valais, on pourra proposer des correspondances et devenir de ce fait plus attrayant. Enfin, nous travaillons à la combinaison entre voiture et train. Nous sommes conscients de l’importance du train dans le tourisme durable et collaborons étroitement avec Suisse Tourisme.
Qu’implique cette flexibilité horaire dont vous parlez d’un point de vue technologique?
C’est un défi immense. Intégrer, à court terme, des relations supplémentaires aux horaires cadencés est un processus extrêmement complexe. Nous développons pour cela des logiciels très différents de ce qui se faisait auparavant. Je précise qu’il n’est pas question de modifier le plan des horaires cadencés, qui sont le socle de notre offre. Mais nous souhaitons les enrichir à certaines périodes pour lesquelles on constate une demande accrue, comme les week-ends, les jours de ponts ou lors de grands événements culturels ou sportifs.
Qu'est-ce que cela représente en investissements?
Les CFF investissent 1 milliard de francs pour transformer complètement les principaux logiciels de gestion. Cela prendra encore trois ou quatre ans avant que les nouveaux systèmes ne soient opérationnels. Nous pourrons alors réagir de manière beaucoup plus dynamique et ciblée. Typiquement, dès que la décision sera prise de faire circuler un train supplémentaire, celui-ci sera immédiatement planifié jusqu'au système d’enclenchement, qui gère tous les aiguillages du trajet emprunté. C’est un changement majeur dans notre organisation, qui va contribuer à dynamiser l’offre et, conséquemment, l’attractivité touristique du chemin de fer et des destinations suisses.
Les liaisons câblées plaine-montagne, en connexion avec les gares CFF, vont décarboner le tourisme.
Le vélo est devenu l’un des symboles de la durabilité, et pour les destinations d’été, un secteur économique croissant. Que font les CFF pour faciliter son transport?
Chaque année, les CFF améliorent l’offre en augmentant le nombre de places disponibles pour les vélos dans les trains. Nous rencontrons énormément de succès, la vente de cartes journalières vélo connaît des taux de croissance élevés. On a fait de très gros efforts pour s’adapter à la demande, quand c’est techniquement possible. Mais on ne peut pas à court terme changer l’ensemble de la flotte. Surtout que cette demande est saisonnière: on a besoin de places vélo en été, peu en hiver. Il faudrait pouvoir changer aisément l’intérieur des voitures. Mais le matériel roulant d’aujourd’hui a été commandé il y a une douzaine d’années et n’était pas conçu pour ces nouveaux besoins. A cette époque, le vélo électrique n’existait quasiment pas. C’est une raison pour laquelle on a introduit des réservations vélo, ce qui a l’avantage d’indiquer où et quand les gens vont se déplacer. Cela nous permet d’anticiper.
N'est-ce pas possible de rajouter des wagons en fin de convoi?
En raison des normes, des contraintes techniques et du matériel à disposition, c’est quasiment impossible. Et souvent, nous utilisons déjà toute la longueur des quais, de sorte qu’il est impossible de rallonger les trains. La flotte de train de la prochaine génération sera beaucoup plus modulable. Les premiers modèles devraient nous être livrés à partir de 2030.
La saison d’hiver approche. Sachant que la voiture représente environ la moitié de l’impact carbone d’une journée de ski, comment augmenter les synergies entre CFF et destinations de montagne?
L’exemple le plus parlant sont les liaisons câblées plaine-montagne, comme en Valais, en connexion avec les gares CFF. Elles seront très efficaces. Le Valais développe une quinzaine de ces nouvelles installations, à l’exemple de la télécabine qui reliera en moins de 15 minutes la gare de Châteauneuf-Conthey, sur la ligne Sion-Martigny, à Haute-Nendaz. La Confédération a reconnu ces lignes au titre du trafic régional. C’est une très bonne nouvelle, elles bénéficieront de ce fait de subventions. Cela va inciter d’autres régions à se lancer. Nous collaborons beaucoup avec les cantons sur ces interfaces de mobilité, qui permettent de réduire considérablement l’utilisation de la voiture. C’est le modèle que nous voulons suivre partout en Suisse.