Durant votre carrière de chef cuisinier, vous avez reçu les plus hautes distinctions des guides gastronomiques. Aujourd'hui, on vous discerne le Mérite culinaire d’honneur 2025. Que signifie ce prix pour vous?
C’est un grand honneur, un grand plaisir et aussi une surprise. Je le vois comme le couronnement d’une carrière.  

On vous décrit comme le «père fondateur de la grande gastronomie romande telle que nous la connaissons aujourd’hui». Comment avez-vous inspiré la gastronomie romande, selon vous?
Oui je pense avoir influencé la haute gastronomie romande. Nous sommes arrivés un peu en même temps: Frédy Girardet à Crissier, Hans Stucki à Bâle, Roland Pierroz à Verbier. Nous étions les premiers à avoir envie de faire autre chose que les filets mignons aux morilles, le poisson meunière ou le filet de cabillaud pané. Nous voulions faire bouger les codes en participant à l'épopée de ce qu'on appelait la nouvelle cuisine. 

«Mes parents tenaient une épicerie. J’ai donc été habitué dès ma plus tendre enfance à côtoyer de belles marchandises, de bons produits»

Cette distinction récompense aussi une cuisine proche des producteurs. Quelle place occupe le produit dans votre façon de cuisiner? 
Etant moi-même gourmand et gourmet, j’ai toujours apprécié les bonnes choses. Mes parents tenaient une épicerie. J’ai donc été habitué dès ma plus tendre enfance à côtoyer de belles marchandises, de bons produits. Je me suis toujours fixé pour objectif de valoriser et de travailler des produits de première qualité, de A à Z. Du producteur à l’assiette, éviter les choses inutiles, garder le goût original en faisant déjà attention à la diététique, en modérant la crème, le beurre…

Parcours
C’est à l’Hôtel de Ville d’Echallens que les épicuriens ont découvert Bernard Ravet. Né à Chalon-sur-Saône en Bourgogne en 1947, il a trouvé l’amour à Vallorbe, en la personne de Ruth. Ensemble, ils ont ensuite conquis la Suisse gastronomique et obtenu les plus hautes distinctions (19 points GM et jusqu'à 2 étoiles Michelin). A la tête durant 33 ans du restaurant l'Ermitage, à Vufflens-le-Château, ils ont reçu têtes couronnées, présidents et simples gourmands, avec la même attention portée à l’excellence. Celle des produits, des apprêts et de la transmission.

Le Mérite culinaire est aussi l’occasion de valoriser le savoir-faire de la branche. En tant que chef retraité, comment observez-vous l’évolution de la profession?
En termes de saveurs, je crois qu’on assiste un peu à un retour en arrière. On arrête de mélanger n’importe quoi, n’importe comment. On cuisine de manière raisonnable, avec des produits de plus en plus locaux, tout en gardant un œil sur les produits différents. Les cuisiniers de pointe ont tendance à être moins nombreux, principalement pour des raisons économiques. La demande change, mais la haute cuisine conservera toujours son public. 

Au sein de la profession aussi, les choses évoluent. Les conditions de travail s'améliorent, il est courant d’avoir maintenant deux jours de congé d’affilée, parfois même trois. Les horaires ne sont plus les mêmes, les salaires ont atteint un niveau relativement élevé. Je me rappelle de mes débuts, en tant qu'apprenti. C’était encore le temps des fourneaux à charbon, avec la discipline de fer. Mais je ne regrette pas d’avoir souffert, cela m’a beaucoup aidé par la suite d’être rigoureux.  

Quel message souhaitez-vous transmettre à la jeune génération qui se lance dans le métier?
Il faut garder la foi tout en se rendant compte qu’il s’agit d’un métier difficile. Il faut du temps et de la persévérance pour que sa cuisine devienne pérenne. Toutefois, les jeunes ont un bel avenir devant eux. Comme je le disais avant, les conditions de travail se sont beaucoup améliorées. 

Quelle place occupe la cuisine aujourd’hui dans votre vie de retraité? 
Je suis un senior actif bénévole. J’aide quelques jours par semaine ma fille Nathalie qui a repris la direction de la Maison des vins à Mont-sur-Rolle. Nous faisons aussi des charcuteries, des malakofs, des fondues, en choississant uniquement des produits de top qualité qui se marient bien avec un verre de vin. Et cela marche très bien. 

Et vous fait certainement plaisir…
Oui, cela me fait plaisir. Ici, je m’occupe aussi des gens que je rencontre. Cela me permet de garder le contact avec les vignerons, avec qui j’ai toujours eu beaucoup de contacts. Les autres jours, je les passe à St-Sulpice, avec mon épouse. Donc, pour le moment, c'est une retraite heureuse.

Les lauréats du Mérite culinaire suisse 2025

Mérite culinaire d'honneur – cuisiniers chefs
Bernard Ravet, anc. chef restaurant l'Ermitage, Vufflens-le-Château

Mérite culinaire: 
Zineb Hattab, restaurant Dar, restaurant Kle et bar Cor, Zurich
Paolo Casanova, Restaurant Stüva Colani, Madulain
Nicolas Darnauguilhem, Pinte des Mossettes, Cerniat 
Franz Faeh, chef exécutif Hôtel Gstaad Palace

Mérite culinaire d'honneur – confisiers pâtissiers 
Lucien Moutarlier, Maison Moutarlier, Chexbres

Mérite culinaire
Adrien et Guillaum Charlet, Boulangerie-Pâtisserie Charlet, Gryon
Martin Schnyder, Confiserie Roggwiller, St-Gall