Si vous voulez suivre les traces de Diane Blanch et remporter le Trophée du maître d'hôtel au Sirha, à Lyon, il faudra réaliser des travaux d’Hercule ou de Déjanire dans une perspective plus féminine. Comme connaître par cœur les noms des 31 chefs triplement étoilés en France; savoir pocher et flamber une huître en salle; maîtriser l'amertume d'un café ou sabrer le champagne. Hardcore peut-être ou plutôt Arcoroc du nom d'un autre concours déjà au palmarès de Diane Blanch, tout comme la coupe Georges Baptiste remportée au niveau national et international. La directrice du restaurant Anne-Sophie Pic, au Beau-Rivage de Lausanne, aime «ces exercices de style qui me sortent du quotidien, du confort et permettent la remise en question».
La polyvalence exigée par le métier
méconnu de directrice de restaurant
La voie du concours elle l'emprunte en 2009 en suivant l'exemple de David Biraud avec qui elle travaille alors, un Meilleur Ouvrier de France, directeur du restaurant Sur Mesure, au Mandarin Oriental, à Paris. Le concours de Meilleur Ouvrier de France, qui prime seulement 15% de femmes, elle le tente deux fois dans la catégorie maître d'hôtel, mais n'atteint pas son but: «Il me manquait alors des compétences de manager.» Ce métier de directrice de restaurant qu'elle exerce depuis 2019 dans la haute gastronomie, elle se rend bien compte qu'il reste méconnu et pourtant il exige de la polyvalence. Il faut superviser une équipe de 15 personnes, tout en pouvant prendre des commandes, travailler comme hôtesse, cheffe de rang et surtout savoir anticiper les demandes des clients.
La particularité du Trophée du maître d'hôtel, réservé aux candidats francophones, se trouve dans le fait qu'il se passe devant le nombreux public du salon Sirha. Dans sa première étape, un questionnaire oral et écrit, le public peut participer. Il mesure la complexité de reconnaître des personnalités de la gastronomie française, chefs, sommeliers, critiques dans un temps imparti.
La deuxième étape permet de définir le point de cuisson d'une huître: «On doit pouvoir toucher la casserole pendant tout le service pour que l'émulsion reste belle.» Elle travaille cette épreuve avec Kévin Vaubourg, le chef du restaurant Anne-Sophie Pic: «Il m'a conseillé de préparer un sabayon aux épices, à base de kasha, du sarrasin torréfié, pour contrebalancer le moelleux de l'huître.» Dans cette épreuve, Diane Blanch soigne aussi la vaisselle: «En Espagne, mon deuxième pays d'origine avec la France, on soigne beaucoup les détails de la porcelaine dans la nouvelle cuisine, j'ai donc choisi des assiettes fines, épurées, qui peuvent faire penser à la coquille d'une huître.»
Pour le service du vin, troisième épreuve, là également elle lorgne du côté de l'Espagne et des vins de Xérès: «Ils ont une réputation Old School, mais des producteurs les réinventent aujourd'hui, comme Willi Pérez, avec des belles notes de noix, de tabac et de caramel. Il s'agit de vins élevés sous voile comme les vins jaunes du Jura. En les servant, on ne doit pas casser ce voile en contact avec l'air, on les soutire avec une tige et un gobelet, ce qui donne un joli rituel en salle.»
Une recette végane de café et
la précision requise pour le sabrage
Pour le service du café, le concours exige une approche écoresponsable. Diane Blanch opte pour une recette végane qui lui rappelle les souvenirs de son enfance olé, soit un lait d'avoine meringué avec du citron, de la cannelle et du blanc en neige. Elle utilise la technique du V-60 pour obtenir avec un café du Salvador de la maison niçoise Malango «quelque chose de très clair, de délicat, moins amer qu'un expresso».
La dernière épreuve, le sabrage du champagne demande de la précision, une technique qu'elle apprend pour le concours avec son chef sommelier: «Il faut travailler avec une bouteille bien froide pas trop inclinée et suivre la ligne de la bouteille.»
Pour elle, le secret de la réussite en concours reste surtout de savoir raconter des histoires de producteurs locaux et de maîtriser des accords, y compris ceux autour des boissons sans alcool, autre priorité du restaurant Anne-Sophie Pic. Sur la place des femmes dans les concours et le métier en général, elle se réjouit qu'on ne parle plus des plateaux trop lourds pour elles et qu'on considère enfin leurs capacités de valoriser une équipe.
Des repères
Des personnalités du métier qu'elle admire
et qui l'aident à se construire et à innover
Diane Blanch arrive au Beau-Rivage Palace de Lausanne en avril 2021, après un beau parcours de palaces parisiens. Elle décrit quelques personnalités qui l'inspirent. Frédéric Kaiser, directeur de la restauration au Bristol, à Paris. «J'apprécie son charisme naturel, sa rigueur et la manière dont il puise dans ses connaissances.» Au Plaza Athénée, elle regrette de n'avoir pas collaboré avec Denis Courtiade, directeur du restaurant gastronomique depuis 2000 et fondateur de l'association Ô Service – Des talents de demain: «Une force tranquille qui abat un travail considérable.» Sarah Benahmed et Franck Pelux de La Table du Lausanne Palace, qui fait partie de la Sandoz Foundation Hotels. «J'ai beaucoup d'admiration pour eux et la façon dont ils gèrent leur propre maison et donnent envie à leurs équipes.» Enfin, celui avec qui elle partage sa vie depuis 16 ans, Frédéric Gardette, chef exécutif au Montreux Palace: «Il me soutient et me donne des idées innovantes en concours, comme cette présentation en mille-feuille de la Fourme de Montbrison.» aca