L’invitée de dernière minute de la Journée des vacances de Suisse Tourisme, en ce deuxième jour, à Interlaken, ne ressemblait pas à une star mondiale du tennis, mais se profilait sous un visage plus mystérieux. Martin Nydegger, directeur de Suisse Tourisme, a décidé de la présenter ainsi: «Voilà un mois, on ne savait pas qu’elle se profilerait ainsi comme brûlante dans tous les sujets d’actualité.» L’intelligence artificielle (IA), puisqu’il s’agit bien d’elle… Et Suisse Tourisme ne craint pas de mettre en scène le débat sur cette question, par une créature générée par l’IA qui, précisément, prend un court instant la place de son directeur. Un peu de légèreté dans un monde hyperconnecté.
Puis, de façon plus scientifique, Jonas Dischl, spécialiste des questions liées aux données à l’AWK Group, prend le relais. D’emblée, il précise qu’il faut distinguer deux mondes bien différents. L’IA analytique, «qui peut permettre des projets concrets en entreprises», et l’IA générative, «qui génère de nouveaux contenus de textes et d’images».
L'expert défend l'idée que l'on peut s'amuser avec l'IA
Pour illustrer l’IA analytique, il donne un exemple dans le domaine du gaspillage alimentaire. «Une entreprise l’utilise pour fabriquer un biscuit qui se casse moins facilement que les autres. L’IA permet de contrôler l’humidité, la composition de la pâte, le temps de cuisson du four», explique l’expert. Pour l’IA générative, il relève qu’elle peut reconnaître une image, distinguer un chat d’une pomme «et même établir des liens complexes comme expliquer des blagues». Jonas Dischl pense qu’il faut l’aborder de façon nuancée, «ne pas la surestimer dans sa puissance et ne pas la sous-estimer dans ses causes et ses effets». Il n’a pas peur d’affirmer que l’IA peut véhiculer des idées racistes «car elle ne peut pas analyser certains contenus». D’un autre côté, il défend aussi l’idée que l’on peut s’amuser avec elle. Mais il suggère de se faire accompagner par des experts dans son utilisation en cas de doutes.
Suisse Tourisme rêve de pouvoir présenter un projet d'IA dans six mois
Auprès de Suisse Tourisme, ils se nomment Natalie Schönbächler pour le marketing et Dominic Stöcklin pour la communication et prennent la parole après l’expert en données. Natalie Schönbächler donne un exemple d’application de l’IA analytique dans une étude de cas de la plateforme Airbnb: «Elle a analysé 10'000 logements en Espagne pour voir quelle pouvait devenir leur plus-value pour les clients et les hôtes. Le résultat démontre que l’IA analytique permet une meilleure valorisation en matière de prix», explique-t-elle. Dominic Stöcklin désire montrer les avancées incroyables réalisées par ChatGPT: «Aucune entreprise n’en parlait il y a quelques mois, et aujourd’hui, Helvetia Assurances l’utilise déjà pour donner des renseignements sur les assurances, la prévoyance et la propriété du logement. Pour Suisse Tourisme, je rêve de pouvoir présenter un projet dans six mois qui permette une compréhension intime des touristes et leur délivre le bon message au bon moment», précise-t-il. Suisse Tourisme utilise ChatGPT pour des publicités ciblées, des planifications de plans médias ou des fixations de prix.
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Dominic Stöcklin conclut en disant qu’il pense pouvoir alléger certains processus de son organisation grâce à certains contenus et images produits par l’IA. «Mais cela ne remplacera jamais nos valeurs authentiques véhiculées par nos propres photographes dans des paysages enneigés», précise-t-il.
Tous les intervenants s’accordent à dire que les vérités d’aujourd’hui peuvent changer très vite, dans le monde de l’IA, qu’il faut s’y intéresser et se méfier de certains excès. Jonas Dischl en offre une saisissante synthèse: «On ne va pas mourir en utilisant l’IA, certains usages peuvent même nous réjouir. Mais sa marge d’erreurs reste importante.» L’erreur est humaine… enfin presque.