Deux canaris colorés nous accueillent gaiement, contrastant avec les frimas de l'hiver et les cimes enneigées. Pour ceux qui connaissent l'Hôtel Les Mélèzes aux Haudères (VS), les deux oiseaux leur rappelleront Pipeau, le Merle des Indes doué de langage. Durant de nombreuses années, c'est lui qui saluait les clients une fois passés le seuil de la porte. Une attraction connue loin à la ronde et qui deviendra l'USP de l'établissement 3 étoiles.
Construit en 1965, l'hôtel a gardé son atmosphère chaleureuse et familiale, tout en sachant se réinventer. A la tête de l'hôtel bâti par ses parents, Claudia Métrailler-Anzévui y a grandi et transmet avec chaleur et naturel son attachement au Val d'Hérens. Elle s'exprime d'ailleurs couramment en patois et porte le costume traditionnel à la belle saison.
Hôtel, camping, magasin de sport et compagnie de taxis
«Comme Obélix, je suis née dans la marmite. Je viens d'une famille d'hôteliers. Mon grand-père avait plusieurs hôtels sur la commune d'Evolène. Mes parents ont construit Les Mélèzes et géraient une entreprise de transports. Ma mère adorait l'hôtellerie et m'a confiée de petites tâches dès l'âge de 6-7 ans.» Le sens de l'accueil coule aussi dans les veines de son époux Michel Métrailler. A la tête du camping d'Evolène fondé par son père, il y est également propriétaire d'un magasin de sport. A l'hôtel, il endosse la casquette d'homme à tout faire et de joker sans rechigner.
«Nous avons rapidement compris qu'il valait mieux ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. La polyvalence fait notre force.» Claudia et Michel Métrailler sont capables aussi bien de divertir leurs hôtes avec des notes d'accordéon, que de régler des skis, poser des chaînes à neige, cuisiner, assurer un service de taxis ou encore de rénover de fond en comble leur hôtel.
Depuis qu'ils ont repris l'établissement familial en 2004, ils l'ont rénové progressivement jusqu'à fin 2017. «Nous avons tout fait nous-mêmes. Le sauna et le jacuzzi installés sur la terrasse en 2018 sont la cerise sur le gâteau», relève Claudia Métrailler-Anzévui. D'une quinzaine de chambres, l'établissement est passé à neuf chambres chaleureusement décorées par l'hôtelière dans un style alpin. Il compte également un restaurant de 60 places.
[IMG 2] «Notre petite taille suscitait la méfiance des banques. Il a fallu persévérer. Et cela en a valu la peine. Cette rénovation nous a sauvés et a même incité d'autres hôteliers a en faire de même», estime l'hôtelière. Originellement plus actif à la belle saison, l'hôtel bénéficie de la tendance du ski de randonnée, qui a permis d'accroître son chiffre d'affaires hivernal. «Le regain d'intérêt pour une nature préservée et le développement durable joue en notre faveur. C'est notre revanche sur les stations», estime la patronne.
Toutefois, être établi dans une vallée n'a rien d'évident et dépend étroitement de l'activité qui s'y passe. Les Métrailler voient d'un bon œil les projets d'investisseurs d'y développer de l’hôtellerie haut de gamme et une clinique (htr du 3 mars 2019). «Nous avons besoin d'une locomotive, disent-ils en chœur. Ce projet donnera de l'oxygène à la région, créera des emplois.» Eux-mêmes sont très impliqués dans la vie locale: elle est membre du groupe folklorique, tandis que lui siège dans les conseils d'administration des remontées mécaniques, de l'office du tourisme et du comité du Grand Raid.
Trois fils impliqués dans la vision stratégique de l'hôtel
Lorsqu'il s'agit de décider de l'avenir de l'hôtel, la vision s'écrit à cinq, avec leurs trois fils de 26, 24 et 21 ans. Tous trois apportent leur savoir-faire. L'aîné, Dylan Métrailler, dirige l'OT d'Evolène, le second, Dany, formé en tourisme à la HES-SO de Sierre, travaille à l'hôtel entre deux voyages, tandis que Lucas étudie l'économie après une formation bancaire. «Nous organisons régulièrement des colloques familiaux où chacun présente ses idées pour l'hôtel», explique l'hôtelière. Ceux qu'elle nomme les «garçons» ou «ses gardes du corps» réfléchissent à des solutions pour augmenter la capacité d'hébergement. De préférence des structures légères, pourquoi pas insolites comme des Pods, afin de minimiser les coûts. «Je suis une féministe à l'ancienne, plaisante Claudia Métrailler-Anzévui. Je laisse les hommes décider. Ou du moins leur donne le sentiment que l'idée vient d'eux!»
Présent sur les OTA, l'hôtel subit les désistements qui rendent la planification de plus en plus ardue. «Pour la période entre Noël et Nouvel-An, nous avons enregistré 40 annulations de réservations en dix jours, que nous avons finalement récupérées.» Le couple d'hôteliers défend une nature proactive et optimiste. Michel Métrailler parle de vocation: «Nous travaillons dans le service, car nous aimons les gens. Pareil lorsque Claudia joue de l'accordéon le soir. Nous le faisons parce que nous en avons envie.» Ce sens de l'accueil vrai et authentique plaît. Il a été récompensé par le Prix Bienvenu en 2016 et se ressent sur leur classement Trustyou (95 points). Claudia Métrailler-Anzévui s'inspire de ses propres expériences hôtelières et cherche à se mettre à la place de ses hôtes: «Nos clients doivent se sentir comme chez eux. Nous voulons rester flexibles et humains. Moi-même je ne supporte pas d'être un numéro. Je me souviens de nos clients, même s'ils ne sont venus qu'une fois.»